Table des matières de la page:
2.1 - Définition de la Tradition
2.2 - Rappel historique
2.3 – Thèmes épistémologiques des sciences
2.4 – Eléments des traditions

2.5 - Rôle fonctionnel des éléments
2.6 - Systémique des trigrammes du Yi King
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2. - Systémique des cosmologies orientales

2.1 - Nécessité et définition de la Tradition

Dans ses conférences, Hans Primas, professeur de chimie théorique (6), constate que nous avons besoin d’une nouvelle philosophie de la nature. Il regrette qu’aujourd’hui, le débat entre scientifiques et philosophes n’existe presque plus ou est même contre-productif parce que les théoriciens des sciences contemporains restent attachés aux présupposés rationalistes et réductionnistes de la physique classique.

H. Primas témoigne par la publication de la correspondance de son prédécesseur Wolfgang Pauli que celui-ci a consacré les dix dernières années de sa vie à l’étude du couple contradictoire Rationnel – Irrationnel:

Selon Pauli, les sciences naturelles ne sont pas concevables sans une part irrationnelle... Pauli soutient à l’encontre de la conception conventionnelle de la réalité des sciences naturelles une nouvelle idée de la réalité, une réalité qui inclut l’irrationnel comme partie essentielle. Le postulat de Pauli d’une pensée globale comprend des images et symboles et implique une conjonction d’aspects complémentaires.

Dans son « Tao de la physique », Fritjof Capra (1) a mis en évidence les similitudes qui existent entre les conceptions métaphysiques des traditions orientales et les nouvelles théories de la physique telles que celle du bootstrap.

Dans son livre « Nous, la particule et le monde » Nicolescu (4) démontre que les découvertes de la physique quantique appellent une philosophie nouvelle embrassant tous les domaines de la connaissance et qu’il appelle « transdisciplinarité ». Il souligne l’importance d’une logique de la complémentarité sous la forme du principe d’antagonisme de Lupaso et met en évidence l’existence de structures trinitaires dans différentes théories de la physique ainsi que dans les traditions. Il insiste sur l’importance de l’irrationnel et de l’imaginaire dans la recherche et attribue à la Tradition (mais à la tradition européenne à la différence de Capra) un rôle important dans la recherche de la transdisciplinarité.

Par le terme Tradition, Nicolescu comprend un savoir commun concernant la relation de l’Homme avec le cosmos (5), une sagesse qui reste inchangée à travers les générations, les cultures et les religions, comme le décrit son ami, le philosophe et écrivain Michel Random:

Ce que nous entendons par tradition c'est essentiellement ce qui est permanent et stable à travers les lieux, les cultures et les religions. Il existe une science primordiale liée aux propriétés du vivant et à la "sagesse" de la nature, qui est le fondement de toutes connaissances. Chaque fois que cette tradition est altérée ou perdue, elle réapparaît sous différentes formes dans l'histoire des civilisations et de l'humanité. (7)

L’essence universelle de la Tradition ne réside pas dans la transmission orale ou écrite mais dans la persistance des mêmes relations entre l’Homme et les lois de l'Univers et de la Nature qui donnent un sens à l’existence. 

Il faut distinguer la Tradition en majuscule des traditions en minuscule qui se fondent sur de prétendues révélations, des mythes et des rites dont la transmission par des "écritures saintes" a toujours été corrompue au fil des siècles par des intentions politiques, à tel point qu'il faut lire entre les lignes et comparer les traditions pour en déduire un lien avec une réalité commune cachée. S'il existe actuellement un fossé entre sciences et traditions, c'est avant tout la conséquence d'une évolution historique.

2.2 - Rappel historique

L’héritage gréco-romain

Saint Bonaventure enseignait au 13ème siècle une philosophie de la contemplation dans l’esprit du platonisme augustinien. Il est connu que Platon affirmait au 4ème siècle av. J.C. qu’il existe une réalité supérieure à celle du monde matériel perceptible par les sens, celle des valeurs et des idées toujours vraies dont le phénomène perceptible et changeant n’est qu’un reflet. Cette vision du monde, il la tenait de Socrate qui a été lui-même influencé probablement par Zoroastre dont la philosophie appartient à la tradition égypto-orientale. Aristote, élève de Platon, renia ces valeurs et se rallia au positivisme des physiciens ioniens selon lequel seul ce qui est matériellement perceptible est réel et ainsi il formula le principe de la contradiction exclue et du tiers exclu.

Cela était le début d’une dispute des universaux deux fois millénaire, réactivée par la physique moderne, entre positivistes ne reconnaissant que la réalité matérielle et les idéalistes qui affirment une réalité supérieure, celle des lois, des valeurs morales et du sens.

Trahissant son maître, Aristote se rallia comme précepteur au camp macédonien d’Alexandre. Sa logique sans compromis justifiait la destruction et l’asservissement de l’empire perse pourtant réputé pour sa tolérance fondée sur l’éthique de Zoroastre. La campagne impitoyable et l’empire éphémère d’Alexandre aboutit à une rupture définitive des relations culturelles de la Grèce et de l’Europe avec la Perse et l’Orient. Après Alexandre, l’hellénisation contribua au déclin de la Tradition égyptienne. Et lorsque sous Jules César, la bibliothèque d’Alexandrie fut incendiée, l’ensemble des connaissances philosophiques, historiques et scientifiques de l’Egypte et de l’Orient fut détruit. Ce qui en fut sauvé fut incendié au quatrième siècle par des chrétiens fanatiques inspirés par Théodose.

A côté du christianisme primitif empreint d’ésotérisme égyptien se constitua à Alexandrie une école néoplatonicienne dirigée par Plotin, qui cherchait à faire la synthèse de la philosophie de Platon avec les conceptions orientales. Elle influença Saint Augustin et après lui la foi du Moyen-âge ainsi que la théologie contemplative des Franciscains.

Lorsqu’à la fin du Moyen-âge des manuscrits de philosophes grecs, conservés par des musulmans, parvinrent en Europe et qu’Aristote et Platon furent redécouverts, une nouvelle dispute des universaux fut déclenchée entre défenseurs de la contemplation augustinienne et des valeurs platoniciennes représentés par le franciscain Bonaventure et les protagonistes de la nouvelle logique aristotélicienne sous la direction du dominicain Thomas d’Aquin. Ce dernier gagna la reconnaissance de l’Eglise: en effet la logique de contradiction exclue justifiait l’infaillibilité du pape, renforçait l’autorité de l’Eglise et légitimait l’action de  l’Inquisition, privilège exclusif des dominicains.

Malgré des persécutions efficaces, la philosophie idéaliste survécut pendant la Renaissance et jusqu’au dix-septième siècle exerçant son influence sur Descartes. Celui-ci présupposait une science innée à partir de laquelle toutes les autres connaissances émergeraient spontanément. Il écrivit

Cette science doit en effet contenir les premier rudiments de la raison humaine et n’avoir qu’à se développer pour faire sortir des vérités de quelque sujet que ce soit; et, pour parler librement, je suis convaincu qu’elle est préférable à toute autre connaissance que nous aient enseignées les hommes, puisqu’elle en est la source. (8)

Les sciences, la révolution et la séparation de l’Eglise et de l’Etat ont endigué le pouvoir et le dogmatisme clérical. Cependant, ni la Réforme ni la science classique n’ont remis en question la logique de la contradiction exclue et du tiers exclu. Aujourd’hui, celle-ci sert à déclarer inattaquables les  connaissances « scientifiquement établies » et à rejeter toute alternative comme « non scientifique ». Intolérance, sectarisme, incohérence et fragmentation des connaissances sont les conséquences de la logique aristotélicienne. Le positivisme gréco-romain a conduit à notre civilisation dite humaniste dont la caractéristique est d’élever l’Homme au-dessus de l’organisation globale de la Nature, au rang de maître absolu et indépendant de la création.

L’héritage égyptien et oriental

La tradition judéo-chrétienne originale à laquelle se rattache la pensée de Saint Bonaventure, appartient historiquement et philosophiquement à une culture largement répandue dans l’Orient antique de l’Egypte en passant par la Mésopotamie et la Perse jusqu’à l’Indus, une culture d’où les Grecs, avant Alexandre, ont puisé pratiquement toutes leurs connaissances philosophiques et scientifiques.

Dans la haute antiquité, un ou deux millénaires av. J.C., il existait plusieurs hautes civilisations urbaines, non seulement en Egypte et en Mésopotamie mais aussi en Chine et, selon des découvertes récentes, dans la vallée de l’Indus, avant l’invasion des aryens. Des relations commerciales et culturelles étaient établies par la route de la soie. L’archéologie égyptienne et les traditions orientales laissent apparaître une structure commune concernant la conception du monde, structure qui a façonné les médecines traditionnelles. Les philosophies correspondantes sont en Inde la philosophie du yoga qui s’occupe plutôt de questions spirituelles et téléologiques et la philosophie apparentée du Samkhya qui explique la genèse du monde manifesté et dont la médecine ayur-védique est une application pratique. Les principes de cette conception du monde se trouvent déjà dans les Upanisads, écritures ajoutées aux Védas de tradition brahmanique. Il s’agit en fait d’une conception du monde dont sont issus aussi le zoroastrisme et le bouddhisme qui ont créé chacun leur propre écriture sainte indépendante des Védas. En Chine, le taoïsme se rattache à la même conception du monde qui a été formulée dans sa forme la plus pure dans les trigrammes du Yi King, dont l’origine mythique est probablement préhistorique. Sur cette base se constitua la médecine traditionnelle chinoise.

La structure inchangée pendant des millénaires de cette conception du monde et les médecines traditionnelles qui en sont des applications pratiques toujours en usage et efficaces, ne peuvent pas être attribuées à la simple transmission du savoir. Elles ne peuvent être expliquées que par une réalité fondée sur des lois naturelles inchangées. Cette structure a été formulée de la façon la plus lapidaire par Lao-tseu, fondateur du taoïsme: le Un engendre le Deux, le Deux engendre le Trois, le Trois engendre les dix-mille choses.

Le Un est ce qui est au-delà de la connaissance; pour les égyptiens, c'était Amon, le dissimulé, les bouddhistes l'ont appelé vacuité. Les grands mystiques ne le nomment pas, car toute expression verbale, faisant une distinction, détruit l'unité sacrée. Malgré cela il a des noms tels que Atoum, Amon, Brahma, Bouddha, Tao.

Le Deux apparaît avec la connaissance, le logos. Au début était le Verbe, première dualité entre le sujet et l'objet. Dans la philosophie du Yoga, Purusha est le principe spirituel, le sujet connaisseur et prakriti, le principe matériel, l’objet connu. Le deux est donc l'antagonisme, principe d'émergence de toute connaissance, de toute fonction, de toute raison d'être de ce monde.

  Le Trois désigne les principes du monde manifesté issus du Deux non manifesté. En Egypte, le Souffle sépare le Ciel de la Terre. Dans le Samkhya, le principe actif Rajas sépare le principe d’illumination Sattva du principe inerte Tamas. En Chine, l’Homme en tant qu’être vivant est issu de la polarité entre le Yang céleste et le Yin terrestre.

Les trois principes sont représentés dans la médecine indienne de manière plus concrète par les qualités pathologiques analogues des 3 Doshas, Kapha, Pitta et Vata, auxquels correspondent dans la médecine chinoise les qualités fonctionnelles Yin, Yang et Qi.

Les trois principes qui symbolisent les trois niveaux de la connaissance, représentent l’essentiel de la conception holistique du monde dans la Tradition orientale. En tenant compte des conceptions nouvelles de la physique, ils peuvent aussi être formulés en termes abstraits contemporains.

2.3 – Thèmes épistémologiques des sciences

Nicolescu cite le physicien et historien des sciences Gerald Holton qui a sondé les documents privés et correspondances des plus grands physiciens, cherchant l'origine de  leurs idées novatrices. Nicolescu a commenté cette étude ainsi:

 Holton a su mettre en évidence l'existence de structures cachées mais stables dans l'évolution des idées scientifiques. Il s'agit de ce que Holton appelle les thêmata, c'est-à-dire des présupposés ontologiques, inconscients pour la plupart, mais qui dominent la pensée d'un physicien ou d'un autre...

Ces "thêmata" concernent donc ce qu'il y a de plus intime, de plus profond, dans la genèse d'une nouvelle idée scientifique...

Les "thêmata" se présentent généralement sous la forme d'alternatives doubles ou triples: évolution-involution, continu-discontinu, simplicité-complexité, invariance-variation, holisme-réductionnisme, unité-structure hiérarchique, constance-changement, etc. Par leur généralité et leur persistance dans le temps, les "thêmata" semblent être proches des symboles." (4)

On peut constater que ces thêmata sont exprimées par des termes semblables à ceux utilisés pour définir les thèmes épistémologiques déduits du sens fonctionnel de matière, espace et temps.

Les aspects contradictoires de la matière, de l’espace et du temps sont connus dans la tradition du yoga et du bouddhisme comme sujet de méditation sur le caractère impermanent et illusoire du monde manifesté. Dans un texte tibétain traduit par Evans-Wentz (2) sur la pratique de méditation dite du Mahamudra (le grand symbole), on peut lire:

    La troisième Pratique, la Méditation sur le yoga de l’Incréé a trois divisions:

  •  l’analyse du point de vue des trois temps (Passé, Présent, Futur);
  •  l’analyse du point de vue de la Substance et la Non-Substance (ou de la matière et de la non-matière); 
  • l’analyse du point de vue de l’Unité et de la Pluralité (ou de l’un et du multiple).
  • Au niveau de l’herméneutique, c.-à-d. du sens fonctionnel, matière, espace et temps ne signifient pas des grandeurs mesurables mais des conditions du fonctionnement du système qui se présentent sous la forme d’antagonismes, comme paires  de propriétés fonctionnelles contradictoires.

    Ce sont des thèmes prérationnels au sens très général qui ont le caractère du symbole et qui peuvent selon le contexte être exprimés par plusieurs mots à l'exemple du tableau suivant:

    Thèmes épistémologiques

    MATIÈRE

    SUBSTANTIALITÉ
    masse   inertie  froid

    DYNAMISME
    force   énergie  chaleur

    ESPACE

    DISCONTINUITÉ
    parties  multiple  libre

    CONTINUITÉ
    ensemble totalité unifié  

    TEMPS

    DÉTERMINATION
    passé    fini   constant

    INDÉTERMINATION
    futur   possible   variable


    2.4 – Eléments des traditions

    Théorie des éléments en médecine chinoise et ayurvédique

    Les 6 termes formant les antagonismes sont à la fois des principes ontologiques, exprimant les conditions de l’existence, et des thèmes prérationnels, fondements de toute connaissance. Ils représentent des relations fonctionnelles incontournables communes à tous les niveaux de la réalité. Selon le niveau et le contexte, ils apparaissent sous des expressions différentes pour désigner un même rôle fonctionnel. Ils ont un sens beaucoup plus étendu que les termes choisis ici au niveau de la physique. Ils ont la nature du symbole et constituent la base  d’une logique de l’analogie.

    La symbolique des thèmes épistémologiques se retrouve sous d'autres noms dans d'autres cultures pour désigner des propriétés de l'univers et des systèmes qui le composent. C'est notamment le cas de la théorie des éléments toujours utilisée de nos jours dans la pratique courante des médecines traditionnelles indienne, tibétaine et chinoise, pour décrire les syndromes et actions thérapeutiques. 

    Les cosmologies du Samkhya, du bouddhisme et du taoïsme sur lesquelles se fondent ces médecines sont expliquées et interprétées en détail au chapitre VII  du livre "Les trois visages de la vie".

    Alors que les éléments des Indiens décrivent des qualités physiques, les Chinois leur attribuent des propriétés fonctionnelles plus abstraites. L’acupuncteur allemand J. Gleditsch (3) a décrit pour chacun des 5 éléments une image fonctionnelle comprenant les fonctions d’organes, viscères, organes sensoriels et moteurs, émotions ou sentiments selon la médecine traditionnelle chinoise (MTC). Cela permet d’établir une homologie entre thèmes épistémologiques et éléments chinois, car l’acupuncture introduit pour des raisons de symétrie un 6ème élément virtuel en dédoublant l’élément Feu.

    Pour des raisons de symétrie, la médecine ayuvédique a aussi introduit un 6ème élément virtuel en dédoublant l’élément Eau,  pour pouvoir attribuer 2 éléments à chacun des 3 Gunas, les qualités fondamentales tamas, rajas et sattva, dont dérivent les 3 "humeurs" Kapha, Pitta et Vata. Une comparaison du sens fonctionnel des éléments et thèmes épistémologiques avec celui des éléments traditionnels établit les homologies résumées dans  le tableau suivant et aboutit au schéma circulaire du modèle d'intégration fonctionnelle (Fig. 2.1) représentant l’union des 3 antagonismes en une trilogie de 3 aspects fonctionnels du système vivant. Des explications détaillées sont données au chapitre VIII du livre "Les trois visages de la vie".

    Homologies entre thèmes et éléments

    tableau des homologies

    Le tableau des homologies présente les éléments chinois avec l’organe associé, suivis en deuxième ligne des thèmes épistémologiques accompagnés de quelques termes de la description de Gleditsch. En 3ème et 4ème ligne suit la classification indienne selon  les 3 Gunas (tamas, rajas et sattva) et les 3 Doshas (Kapha, Pitta et Vata) avec les significations que leur attribue la tradition. Enfin viennent les éléments indiens qui, selon la tradition ayurvédique, correspondent deux par deux aux Doshas et sont définis par des propriétés physiques. Les adjectifs entre parenthèses décrivent le sens du qualificatif indien picchila intraduisible s'appliquant à un « aspect de l’eau ».

    Il faut bien noter que les termes chinois et indiens des éléments ne correspondent pas, l'homologie s'établit entre les significations fonctionnelles de l'élément chinois et les propriétés sensibles correspondantes de l'élément indien.

2.5 - Rôle fonctionnel des éléments

Les relations fonctionnelles antagonistes et synergiques des éléments selon le tableau des homologies sont  représentées par la figure 2.1 sous la forme circulaire analogue du modèle d'intégration fonctionnelle (MIF).  

  • A l’extérieur figurent les thèmes relatifs à la trilogie physique matière-espace-temps.
  • Dans l’anneau jaune sont placés les éléments et organes chinois  selon le sens fonctionnel de Gleditsch.
  • Dans le cercle intérieur les qualités fondamentales indiennes, les Gunas tamas, l’inertie, rajas l’énergie et sattva l’illumination ou mobilité, correspondent en médecine ayurvédique (ou tibétaine) aux « humeurs » Kapha (phlegme), Pitta (bile) et Vata (vent). Les trois qualités sont en effet formées  selon cette tradition  par l'association de deux éléments.

Fig. 2.1 – MIF traditionnel

MIF traditions

2.6 - Rôle systémique des trigrammes du Yi King

Le Yi King a été appelé livre des transformations par son traducteur R. Wilhelm (9). Il écrivit:

"Le Livre des Transformations, en chinois Yi King, appartient incontestablement aux livres les plus importants de la littérature universelle. Ses origines remontent à une antiquité mythique. Il occupe aujourd'hui encore l'attention des plus éminents lettrés de la Chine. Presque tout ce qui a été pensé de grand et d'essentiel pendant plus de 3000 ans d'histoire de la Chine, ou bien a été inspiré par ce livre, ou bien, inversement, a exercé une influence sur son interprétation, au point que l'on peut affirmer en toute tranquillité que le Yi King contient le fruit de la sagesse la plus achevée de plusieurs millénaires. Il ne faut donc pas s'étonner si, en outre, les deux branches de la philosophie chinoise, le confucianisme et le taoïsme, ont ici leurs communes racines."

L'élément fondamental du Yi King est le trigramme qui se compose de trois signes superposés, de barres entiières ou divisées qui désignent  une de deux possibilités contraires, comme 1 et 0 dans le langage binaire de l'informatique.

Selon les commentaires classiques du Yi King, les trois niveaux du trigramme signifient le ciel au sommet, la terre au fond et l'homme au milieu. Ils correspondent par analogie aux trois niveaux que Ken Wilber a désignés par les termes Esprit, Matière et Mental. Conformément à l'interprétation systémique qui a été donnée au MIF, ils peuvent être assimilés aux trois degrés d'interaction du système avec d'autres systèmes, donc avec  les trois fonctions primordiales définies par des antagonismes. En attribuant le trait inférieur à l'antagonisme matière-énergie, le trait moyen à l'espace et le supérieur au temps on aura:


– –     0 ou négatif 

   1 ou positif 

Temps

Indétermination
fréquence

Détermination
période

Espace

Continuité
dimension

Discontinuité
nombre

Matière

Inertie
masse

Dynamisme
 énergie 

Chaque trigramme représente ainsi une combinaison des thèmes matière-espace-temps à laquelle s'oppose un trigramme contraire. Il existe 23 = 8 trigrammes distincts qui sont disposés selon 4 axes antagonistes comme dans la figure classique suivante appelée "succession du ciel antérieur". Le trigramme se lit de bas en haut ou de l'intérieur vers l'extérieur comme dans cette figure.

Fig. 2.2 – trigrammes du Yi King

trigrammes d Yi King

Les antagonismes correspondent ici à l'opposition des faces triangulaires de l'octaèdre que représente le spectre d'expression systémique (SES) décrit à la page de logique systémique.

La figure suivante représente la disposition tridimensionnelle des 8 trigrammes du Yi King selon le SES. Elle peut être mise directement en parallèle avec la figure 5.5 qui schématise le spectre d'énergies systémiques selon l'équivalence matière-énergie généralisée. Le trigramme supérieur K'ien (noir sur blanc correspond traditionnellement au ciel  et au créateur, le trigramme inférieur correspond à la terre et à la passivité. Dans la  systémique physique le supérieur est interprété comme néguentropie, l'inférieur comme entropie, entre ces deux niveaux d'énergie se déploient symétriquement les 6 autres faces du spectre continu des phénomènes et de leurs mutations.

Fig. 2.3 – Yi King et les 8 faces du SES

 SES Yi King 

D'autres interprétations analogues du SES sont présentées à la page 3: "systémique biomédicale" concernant les fonctions biochimiques, embryologiques, anatomiques et psychologiques. Elles se fondent à la fois sur l'expérience des médecines traditionnelles orientales et sur des observations des fonctions biologiques et physiologiques. Des théories plus spécifiques des médecines traditionnelles orientales y sont aussi évoquées schématiquement.


Bibliographie:

1. CAPRA Fritjof. - Le Tao de la physique. - Sand, Paris 1985.       

2. EVANS-WENTZ W.Y. - Le yoga tibétain et les doctrines secrètes.
            -Librairie d'Amérique et  d'Orient, Maisonneuve, Paris 1980.

3. GLEDITSCH Jochen M. - Reflexzonen und Somatotopien.
            - WBV Biologisch-medizinische Verlagsgesellschaft, Schorndorf 1983.

4. NICOLESCU Basarab. - Nous, la particule et le monde. - Le Mail, 1985.

 5.  -     -   La science, le sens et l'évolution. Essai sur Jakob Boehme. Félin 1988.

6. PRIMAS Hans. - Vor-Urteile in den Naturwissenschaften. 1990. Verl. Duncker & Humblot.

7. RANDOM  Michel. La Tradition et le vivant. - Félin, Paris 1985.

8. SACY de S. - Descartes. - Ecrivains de toujours / Seuil, Paris 1985.

9. WILHELM  Richard, trad. par Etienne Perrot.
            - Yi King, le livre des métamorphoses. - Librairie de Médicis 1973
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