6. -
Systémique des relations humaines
et structures sociales
6.1 Définitions et
rappel du modèle
systémique
La systémique ou
théorie générale définit le
système par les
relations entre les éléments composant un
ensemble quelle que soit sa nature. En
effet, les définitions
données au système par différents
auteurs se fondent toutes sur des rapports,
relations ou interactions entre éléments
d’une structure et non pas sur la
nature de ces éléments. Les lois
fondamentales de la systémique
s'appliquent à tout ensemble organisé ou
système de n'importe quel niveau,
depuis les systèmes physiques en passant par les
systèmes biologiques jusqu'aux
systèmes sociaux. La
systémique est dite transdisciplinaire.
Il
est rappelé que le modèle systémique
proposé sous sa forme MIF (modèle
d'intégration fonctionnelle)
à la page 1
(logique) et à
la page
2 (tradition) résulte
d'une synthèse entre les principes quantitatifs occidentaux
matière-espace-temps et les trois principes qualitatifs tels qu'ils sont
appliqués dans les médecines
orientales holistiques: la médecine ayurvédique
(3 Gunas ou Doshas) ou
la médecine chinoise (Yin, Yang et Qi).
Le modèle MIF est fondé sur les relations antagonistes et
synergiques de 6 thèmes
épistémologiques. Les synergies correspondent aux
trois
propriétés systémiques principales: structure,
activité
et organisation
respectivement en rapport avec la substance,
l'énergie et l'information.
Ces trois qualités constituent la base du diagnostic
holistique des médecines orientales. Elles sont
désignées dans les graphiques du site
par les
lettres V, P
et K par analogie aux principes pathologiques Vata, Pitta, Kapha de la
médecine
ayurvédique indienne. Cette notation permet de
représenter les relations
systémiques des éléments logiques
indépendamment de leurs sens qui varient selon le
contexte physique, biologique ou sociologique.
Les
antagonismes désignés par les rapports
réciproques V/P P/K K/V
et leurs inverses désignent les thèmes
épistémologiques qui sont à
l'origine de relations réciproques ou antagonistes
définissant les mesures de matière, espace et
temps.
Selon
Wikipedia la société
est "l'ensemble des modèles d'organisation et
d'interrelation, des
individus et des groupes, des associations, des organisations et des
institutions qui concourent à la satisfaction
concertée des besoins de la
collectivité."
Toute
société ou institution humaine est par
conséquent un système dont les
interrelations se constituent par la communication. C'est pourquoi,
avant
d'aborder l'organisation systémique de la
société, le paragraphe suivant
différencie
les principales formes de la communication dans le sens de la
systémique.
6.2 –
Systémique
de la communication
Définition
Wikipedia
définit
la communication
selon trois contextes: celui de la théorie de
l'information (techniques de transmission d'informations), celui de la
psychosociologie
et celui de la psychanalyse. Ce qui intéresse ici, c'est la
psychosociologie
qui est définie ainsi:
"Un second
courant, porté par la psychosociologie,
s'intéresse essentiellement à la
communication interpersonnelle (duelle, triadique ou groupale). La
communication est alors considérée comme un
système complexe qui prend en
compte tout ce qui se passe lorsque des individus entrent en
interaction et
fait intervenir à la fois des processus cognitifs, affectifs
et inconscients.
Dans cette optique, on considère que les informations
transmises sont toujours
multiples, que la transmission d'informations n'est qu'une partie du
processus
de communication et que différents niveaux de sens circulent
simultanément. "
Cette
définition
signifie que les interrelations sociales sont globales et ne peuvent
pas être
réduites à un raisonnement causal
linéaire comme dans les domaines
logico-mathématiques de l'informatique. Elles peuvent
être mieux représentées
sur un mode analogique, un mode de pensée
décrié mais qui est indispensable
pour comprendre le fonctionnement global ou systémique.
Evolution historique
Aux
époques allant
de la préhistoire à l'antiquité,
l'homme vivait plus près de la nature dont il
était plus dépendant; il devait
s'intégrer dans les cycles naturels. Sa
perception des choses était systémique et
holistique et il communiquait surtout
par symboles paradoxaux, par paraboles et allégories dont
les sens étaient
multiples. Les premières communications graphiques
étaient des peintures
murales devenant progressivement des pictogrammes tels que les
hiéroglyphes ou
l'écriture chinoise. En devenant des syllabes et des sons,
ces symboles
perdaient leur richesse sémiotique tout en gagnant
en précision formelle.
Avec l'écriture, l'universalité du sens
symbolique a été sacrifiée
progressivement à la définition du mot
(étymologiquement une limitation du
sens). En même temps le raisonnement analogique a fait place
au raisonnement
déductif-analytique. Cette évolution a atteint
son extrême avec le raisonnement
mathématique où ce qu'on appelle encore symbole,
la variable, n'est en réalité
plus qu'un signe indiquant une quantité et n'a plus de sens
qualitatif.
Pourtant
l'évacuation du sens n'est ni nécessaire ni
irréversible ni même souhaitable.
Le rôle de la systémique est de prendre conscience
de la complémentarité
de l'ensemble et des parties, de la perception holistique et
réductionniste, du
raisonnement analogique et analytique, pour redonner un sens aux
sciences.
Langage et
grammaire
La
trilogie des
relations systémiques se répercute sur le
langage. Les règles logiques
fondamentales de la grammaire sont systémiques et
très simples:
La structure
ou substance
de la phrase se fonde sur les substantifs
qui tiennent les rôles
de sujet ou objet.
L'activité
ou énergie de la phrase
est formulée par
le verbe.
L'organisation ou information de
la phrase est modulée par les
qualificatifs, les adjectifs,
adverbes ou compléments.
Il
faut distinguer
ces règles de grammaire et la signification du langage. Le
sens d'une phrase
n'est jamais fixe comme les valeurs d'une équation. La
même phrase évoque chez
deux sujets différents des significations et
émotions nuancées
légèrement
différentes selon leurs expériences et souvenirs
respectif.
Si
la grammaire
suit des règles assez strictes, le sens des mots par contre
peut recouvrir un
large spectre de nuances. Il est régi selon les
règles de l'analogie.
Analogie
La
structure
ternaire des synergies et antagonismes de thèmes
épistémologiques formant le
modèle d'intégration fonctionnelle (MIF)
constitue le fondement d’une logique
de l’analogie qui repose sur les homologies transcendant tous
les niveaux
hiérarchiques de la réalité complexe.
Toute
signification correspondant par homologie à un des six
thèmes épistémologiques, se distingue
par son opposition à la signification contraire avec
laquelle elle forme un
antagonisme fonctionnel et elle se confond avec une autre signification
synergique selon une des trois propriétés
fondamentales. Il en résulte que
chaque signification a trois sortes de relations avec d'autres
significations:
- Une
relation antagoniste
avec une signification contraire, représentant une fonction.
- Une
relation analogique
avec une signification synergique, qui
résulte de leur appartenance commune à une des
trois propriétés fondamentales.
- Des
relations homologique
avec des significations appartenant au même
thème
épistémologique fonctionnel mais à des
domaines ou
niveaux différents de la réalité
complexe et qui
désignent des rapports
fonctionnels semblables, des isomorphismes de fractales.
Les
deux dernières relations sont conformes à la
définition scolastique de
l'analogie que René Alleau
explique
dans "La science des symboles" (1). Cette logique classique fait la
distinction entre une analogie d'attribution et une analogie de
proportionnalité, définies de la
manière suivante :
Le terme
analogue d'attribution
est celui qui convient à plusieurs à cause de
l'ordonnance à un seul.
(Terminus analogus attributionis est qui convenit pluribus propter
ordinem ad
unum)
Dans
l'analogie d'attribution, l'unité tient à ce que
l'on rapporte les divers
"analogués" à un seul appelé
"principal analogué". - Cette
forme d'analogie correspond à la relation qui existe entre
deux thèmes
épistémologiques synergiques qui sont des
attributs d'un seul principe ou
aspect fondamental du système dont ils distinguent les
propriétés par
opposition aux deux autres principes. Si, par exemple, on
déclare:
"l'union fait la force", l'analogie entre les deux termes est
fondée
sur le fait qu'ils désignent les
propriétés fondamentales attribuées
à toute
activité dirigée (champ
énergétique): l'ensemble des forces qui y
participent
(Dynamisme) et la cohérence dans l'application de ces forces
(Continuité).
Le terme
analogue de proportionnalité est celui qui convient
à plusieurs à cause d'une
certaine similitude de proportion
(Terminus analogus proportionalitatis
est qui pluribus convenit propter aliquam similitudinem proportionum).
Dans l'analogie de
proportionnalité, il n'y a
plus de "principal analogué", mais de mutuelles proportions
ou
rapports qui créent l'unité entre les
"analogués". Alleau donne
l'exemple suivant: Nous disons "l'oeil voit" et "l'intelligence
voit" parce que l'intellection est à l'intelligence ce que
la vision du
sensible est à l'oeil:
Vision
=
Intellection
Oeil
Intelligence
Si
l'on rapporte cet exemple au MIF, la vision et l'intellection indiquent respectivement
l'activité des structures
correspondantes: l'oeil et l'intelligence, et les rapports pourraient
être
complétés de la manière suivante:
=
Activité =
cause
efficiente =
Pitta =
Yang
Structure
cause
matérielle
Kapha Yin
Ce
modèle épistémologique est donc la
base de la logique de
l'analogie. Le danger des raisonnements analogiques, la confusion,
vient de ce
qu'on ne distingue habituellement pas les différentes
relations entre les
significations. Les erreurs sont pourtant évitables si l'on
s'en tient à des
analogies de proportionnalité, donc à de vraies
homologies fonctionnelles. Ceci
peut être atteint en précisant à
l’avance, pour chaque terme utilisé ses
relations fonctionnelles antagonistes, synergiques ou homologiques avec
d’autres termes en distinguant strictement les niveaux
hiérarchiques. En
respectant cette règle il serait possible d'aboutir
à un formalisme de la
pensée analogique qui ne serait pas moins rigoureux que
celui des
mathématiques.
6.3 –
Systémique des relations sociales
Les
trois principes systémiques de l'organisation
sociale
Les relations
systémiques se résument à trois
principes indissociables quoique mutuellement antagonistes.
- La substance
composant
la structure est la base assurant
la
stabilité et conservation du système; toute
structure a aussi son histoire ou
mémoire. C'est ce qu'on appelle cause
matérielle.
Dans la société ce sont les individus et leurs
associations qui forment
le peuple.
- Les énergies
des activités constituent
les ressources vitales
du système. C'est la cause
efficiente.
Dans la société elles sont
représentées par les ressources
financières,
les capitaux qui règlent
les
échanges économiques, ils procurent le pouvoir
permettant les investissements nécessaires dans toute
entreprise.
- Les informations
intègrent
les éléments individuels dans une organisation
de niveau supérieur. Elles peuvent être
qualifiées de cause finale,
ce qui indique seulement le résultat de l'adaptation
à l'environnement par auto-organisation et n'implique
nullement quelque volonté
divine.
L'ensemble
d'informations qui intègrent les individus dans la
société ce sont les lois.
Celles-ci se fondent elles-mêmes sur une éthique
correspondant à une culture et
à ses croyances.
L'entreprise
Les sociétés humaines
obéissent toutes aux mêmes trois principes
fondamentaux. Toute association a une cause matérielle: ce
sont les membres qui
en font partie; elle a une cause finale: le but ou la
finalité de ses
activités; et elle a une cause efficiente: les moyens mis en
oeuvre pour
réaliser ces activités, dont l'importance se
mesure aux ressources
financières, donc au budget.
Le fonctionnement d'une entreprise peut
être schématisé par la même
structure ternaire. Dans une étude
systémique, François Reingold
(2) a représenté l'entreprise par un triangle
dont les trois sommets sont
occupés par les hommes, le capital et la technique.
- Les hommes qui composent cette association que
représente une entreprise peuvent être
considérés comme la cause matérielle
ou comme la structure de son fonctionnement productif; celle-ci
dépend du marché du travail.
- La puissance financière de l'entreprise,
symbolisée par les capitaux investis et leur
rentabilité, constitue la cause efficiente; elle est en
relation avec le marché des capitaux.
- Enfin la recherche et l'adaptation des
techniques de production représente un processus
d'auto-organisation et doit servir à réaliser la
finalité de l'entreprise: satisfaire aux exigences du
marché des biens de consommation ou
d'investissement.
Le fonctionnement harmonieux d'une
entreprise et de tout système
économique repose selon cette conception sur un
équilibre entre trois
exigences, les exigences salariales et sociales du personnel, les
exigences
financières liées à la
productivité et les exigences de la clientèle
concernant
le prix et la qualité du produit.
Ces trois pôles ou sommets du triangle
forment trois antagonismes, trois
situations conflictuelles permanentes. Entre les hommes et le capital
se
déroule le conflit productivité-revendications
syndicales; entre le capital et
les techniques se situe le conflit qui oppose la rentabilité
de la production
aux coûts de la recherche et des innovations; enfin entre les
hommes et
les techniques il y a le conflit entre la routine et la motivation
qu'exige la
formation continue.
L'Etat
Si l'on considère la
société au niveau de la nation, sa structure ou
cause matérielle repose sur les individus, les familles et
les associations qui
forment le peuple. La cause efficiente ou la puissance de la
nation
résulte de ses ressources économiques et
technologiques et elle est représentée
par les différentes institutions de l'Etat. C'est ce que
l'on nomme le pouvoir.
Enfin, une nation peut avoir une finalité qui va
au-delà des besoins matériels
du peuple ou de l'expansion du pouvoir et qui peut conduire
à la réalisation
d'un projet culturel et spirituel représenté en
général par une religion. Pour
s'en convaincre, il suffit de considérer les constructions
monumentales telles
que les pyramides d'Egypte, ou l'édification de temples dans
toutes les grandes
cultures, comme par exemple celle des cathédrales au
Moyen-Age. Sans une
motivation transcendant l'intérêt de la
société elle-même et animant toute une
nation, de telles réalisations seraient impensables.
Les sociétés traditionnelles,
surtout celles qui ont été le siège
d'un
essor culturel important, étaient en
général fondées sur un
équilibre entre les
besoins du peuple, le pouvoir d'une aristocratie ou d'une
royauté et l'autorité
spirituelle d'une église ou religion unanimement
respectée. Telle était
l'organisation de la société dans l'Europe du
Moyen-Age.
En France, depuis la séparation de
l'Eglise et de l'Etat, la vie
politique se résume à un dualisme entre une
"droite" qui détient le
capital et le pouvoir et une gauche qui représente les
revendications du
peuple.
Le
principe ternaire, fondement de la stabilité de tout
système, a
cependant été réintroduit, sous une
autre forme,
au niveau des institutions
laïques. La séparation et l'indépendance
des
pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont
en
effet reconnues comme conditions du bon fonctionnement de l'Etat
démocratique,
donc comme principe de la stabilité du système
social.
L'exécutif exerce le
pouvoir (cause efficiente), le législatif
représente le
peuple (cause
matérielle), et la justice constitue en théorie
un
troisième pouvoir
indépendant appliquant la constitution et les lois. Dans la
pratique les juges
sont nommés par les politiciens, et les lois sont
proposées et votées par les
politiciens. Le pouvoir et l'indépendance de la magistrature
se
limite à la jusrisprudence,
au jugement cas par cas.
La disparition du
rôle
sociopolitique de la religion ou Eglise, qui aurait dû
être le troisième
pouvoir au rôle d'arbitre entre la population et
l'aristocratie sur la base
d'une éthique unanimement reconnue et son remplacement par
un pouvoir
judiciaire dépourvu d'autonomie politique réelle
a eu pour conséquence la
compétition ou alternance du pouvoir entre une gauche
populaire représentant
les travailleurs réputés exploités et
une droite représentant les propriétaires
ou gestionnaires exploitant les ressources matérielles et
humaines.
L'alternance bipartisane, le
basculement entre socialisme et
capitalisme, ne peut pas constituer un équilibre. En effet,
la gauche sociale de
tendance dirigiste et internationaliste
a produit l'hégémonie communiste qui s'est
effondrée par l'inertie et
corruption bureaucratique. La droite affairiste de tendance
libérale et
mondialiste a produit l'hégémonie capitaliste qui
se décompose à présent dans
le chaos des dérégulations et
spéculations égoïstes.
C'est ainsi que l'on s'achemine
au-delà d'une crise
financière et économique vers une crise de
civilisation que
les commentateurs
qualifient à juste titre de crise structurelle ou
systémique sans pour autant
comprendre les règles systémiques. Les dirigeants
sont donc réduits à parer
au plus urgent par des expédients calqués sur les
mêmes théories économiques ou
idéologiques qui ont dèjà
échoué.
L'équilibre
systémique de l'Etat idéal exigerait un
troisième
pouvoir vraiment autonome représentatif
des valeurs
culturelles
d'une nation. Ce rôle que tient traditionnellement une
religion,
ne pourrait
être assuré dans une société
moderne
laïque, émancipée des doctrines
théologiques,
que par un conseil constitutionnel formé
d'experts scientifiques et
culturels de formation académique sans liens avec les partis
politiques, les
milieux économiques ou les cercles
ecclésiastiques, ce
qui impliquerait à son
tour une totale autonomie des milieux universitaires. Ce conseil serait
l'arbitre et garant de toute légitimité des
autres
pouvoirs, proposerait, vérifierait
et appliquerait les lois et se ferait respecter en détenant
aussi les pouvoirs
policier et judiciaire.
Laïcité
Ce qui fait une nation, ce ne sont pas ses
frontières, sa constitution et
son administration mais la communication entre les citoyens selon une
langue, des
coutumes et des symboles culturels communs ou du moins dominants.
L'intégration
d'un individu dans une nation exige au minimum la maîtrise de
la langue et le
respect des lois et coutumes. En ce qui concerne les croyances et
symboles
culturels, l'état laïque garantit la
liberté d'opinion et le respect des
religions dans la mesure où elles restent privées
et n'interfèrent pas dans la
vie publique. En effet les communautés
monothéistes à tendance intégriste,
professant
publiquement des "vérités absolues"
fondées sur un Dieu prétendu unique
et exclusif, suscitent un danger de conflits et de division.
Il existe bien des états multiculturels,
mais ils ne sont pas stables.
Ils ne se maintiennent que par une opportunité
économique ou par une
contrainte. Si l'opposition entre communautés culturelles
est trop grande, il
n'y a pas de véritable nation et l'Etat est
divisé. L'exemple type en est
l'ex-Yougoslavie que l'on présentait au temps de la
dictature communiste comme
un exemple de cohabitation culturelle pacifique entre religions langues
et même
écritures différentes. Aussitôt que la
contrainte dictatoriale a cessé, l'Etat
s'est scindé, regroupant les populations, au cours de
violentes guerres et de
génocides, en nations homogènes
par
rapport à la langue et la culture.
La
religion
La séparation de l'Eglise et de l'Etat
en France et la laïcité étaient la
conséquence de la perte de crédibilité
de l'Eglise catholique et de ses
doctrines figées et une suite des guerres de religions. Il
faut pourtant bien
faire la distinction entre les religions comme institutions ayant leurs
doctrines, leurs rites et leurs mythes et la spiritualité en
tant que relation
avec un ordre supérieur.
Monothéismes
Les
religions ou églises ont tous les défauts que
peuvent avoir des associations
humaines. D'autre part les religions monothéistes
revendiquent chacune pour
elle le monopole de la "Vérité" sur la simple foi
en une révélation
antique et des écritures dite saintes mais toujours
apocryphes et cent fois
remaniées selon les besoins politiques.
Au
13ème siècle
déjà, Frédéric II de
Hohenstaufen aurait écrit un
opuscule selon lequel les 3 plus grands imposteurs de l'Histoire sont
Moïse,
Jésus et Mohammed. Ce monarque exceptionnel
élevé dans une Sicile où religions
juive, chrétienne et musulmane se côtoyaient,
débattait de problèmes
mathématiques avec les plus grands savants arabes. Toujours
en conflit avec le
pape, il fut obligé de partir en croisade à
Jérusalem où, au lieu de faire la
guerre, il négocia une paix rendant l'accès des
lieux saints aux chrétiens, ce
qui lui valut d'être excommunié. Comme on ne nous
l'a pas enseigné à l'école,
c'est grâce à lui que les premières
connaissances scientifiques commencèrent à
pénétrer en Europe moyenâgeuse
(3).
Tout
monothéisme est une imposture puisqu'il revendique le
monopole sur la vérité et
le salut qu'il cherche à imposer à
l'humanité entière. L'attachement aux
écritures et doctrines est un obstacle à tout
progrès dans la connaissance et
par conséquent aussi au progrès spirituel
lui-même.
Spiritualité
Bien
qu'elles
soient plus
anciennes que les monothéismes et par conséquent
autant
parées de rites,
doctrines et écritures, les religions de l'Inde, du Tibet et
de
Chine, montrent
en général plus de tolérance.
Contrairement
à l'hindouisme attaché au
ritualisme védique et aux castes, les philosophies
suivantes,
sur lesquelles sont construites les médecines
traditionnelles ne
se fondent pas sur des dieux personnels
ni sur l'autorité des écritures telles que les
Védas. Leurs grands mystiques
déclarent que toute voie peut conduire à
l'illumination
et recommandent des
pratiques de contemplation ou méditation. Dans ce sens ce
sont
plutôt des cosmologies que des religions. (Des
précisions sont données au chapitre VII, des
"trois visages de la vie")
La
philosophie du yoga et le Samkhya
considèrent l'univers comme réel et
généré
à partir d'une dualité entre
un principe connaisseur (Purusha) et un
principe connaissable (Prakrti) dont émergent les Gunas, les
trois qualités
fondamentales.
Le
bouddhisme
tel qu'enseigné à l'origine par le
Bouddha était une théorie et pratique
psychologique dont
le but était
d'échapper à la souffrance par la reconnaissance
de
l'impermanence du Moi et du Vide ultime. L'ontolologie bouddhique
(Abidharma) enseigné aux
moines explique le Moi et sa perception du monde par des constructions
successives (skandhas) que la méditation doit
démonter
progressivement pour atteindre l'état originel du Vide. (A
noter
que la doctrine des réincarnations repris de la tradition
védique
est en contradiction avec cette ontologie).
Le taoïsme
est proche du bouddhisme par le Tao comparable à la
vacuité bouddhique. Il est
proche aussi du Samkhya
par la formation évolutive de l'univers à partir
du Tao.
Le
christianisme originel était
probablement inspiré du bouddhisme et du mysticisme osirien.
Mais après
récupération par l'Empire romain, la religion
chrétienne a servi surtout des
buts politiques dans la tradition impériale. Les abus de
pouvoir
et le dogmatisme coupé de la réalité
l'ont
éloignée de la société, et
ont conduit
à la séparation de l'Eglise et de
l'Etat et à la laïcité.
Dans
toute société traditionnelle, la culture et ses
expressions artistiques étaient
inspirées de la religion. La société
occidentale laïque a échappé
à cette
règle. La vie culturelle de notre époque n'est
plus inspirée par une
spiritualité ou un projet collectif, la
créativité artistique reste une affaire
individuelle, d'où la nature chaotique de l'art contemporain
qui est l'image
fidèle du manque d'orientation de notre civilisation et de
sa dégénérescence.
Archétypes
et inconscient collectif de C.G. Jung
La
hiérarchie du psychisme ne se limite pas aux 3 niveaux
rationnels de la connaissance et de la logique. Dans son
schéma Ken Wilber distingue
5 niveaux:
Légende:
5 - sensible:
sensation
4.
rationnel
déductif:
objet
sensible: le
phénomène
3 -
rationnel
herméneutique; objet
intelligible: le sens des pensées
2
rationnel symbolique;
objet
transcendantal: images, paraboles, allégories
1 - irrationnel: sentiment → émotion → archétypes
divinisés →
illumination)
|
Dans
la
hiérarchie de la connaissance, les niveaux s'enfoncent
progressivement de la
surface du sensible en passant par les 3 niveaux rationnels jusqu'aux
profondeurs
affectives de l'inconscient personnel puis collectif.
Dans
le domaine
irrationnel (au sens positif), les thèmes
épistémologiques se confondent avec les archétypes
de Jung qui
sont l'expression de l'inconscient personnel ou collectif.
Au-delà de son vécu
personnel, l'esprit de chacun est en effet enraciné dans
l'inconscient de sa famille, de
sa tribu, de son ethnie et finalement de son espèce. C'est
la
raison du culte de l'au-delà, des esprits et des
ancêtres
commun à toutes les religions.
Le
"Livre
des Morts tibétain" commenté par C.G.
Jung fait comprendre que les
dieux surgissent comme
archétypes du
plus profond de l'inconscient collectif, exprimés par des
forces
affectives. Comme
ces dieux y sont assimilés aux
"éléments" on peut
conclure qu'ils émergent
comme les thèmes épistémologiques de
la structure
fondamentale du psychisme représenté par le
spectre
systémique des dispositions psychiques (page 3, figure 3.8).
Jung
a insisté
sur la puissance affective des archétypes, sur la
nocivité possible de ces affects lorsqu'ils deviennent
autonomes et sur la nécessité de les
contrôler par les pratiques modernes psychanalytiques
à défaut des pratiques religieuses traditionnelles
méditatives, rituelles ou chamaniques.
Ce
que les
grands sages du bouddhisme appellent illumination n'est autre que
l'équilibre
idéal central, où toute distinction actuelle,
rationnelle ou émotionnelle, est
absente car tout y est potentiellement inclus (logique du tiers inclus
de
Lupasco). Le Vide du bouddhisme signifie alors la
réalisation de l'omni-potentialité
par dissolution de toute distinction rationnelle ou émotive.
Du
point de vue
systémique, l'esprit conscient ou inconscient est une
émergence des lois de la
nature universelle. C'est une organisation que l'on doit se
représenter
physiquement comme un réseau d'interférences
entre les structures-mémoires du sujet
et les ondes-informations du milieu. Des précisions
à ce sujet sont données à la page 5
"Systémique en physique".
Il
ne peut y
avoir d'esprit organisé sans structure. La mort marque la
fin de la structure
et de l'individu. Elle ne met pas forcément fin aux
ondes-informations, celles-ci
pouvant s'attacher à d'autres structures, à des
personnes proches participant à
un inconscient collectif commun, ou même à des
objets et des lieux qui s'y
rapportent; il est connu que des personnes sensibles ressentent
"l'esprit du
lieu". Telle est l'explication systémique, physique
et psychique des phénomènes dits
paranormaux et des pratiques chamaniques qui ne sont pas des mythes
comme les
doctrines théologiques mais des faits
d'expérience dont il faut tenir compte.
En conclusion, il existe dans la nature des
d'informations sous forme de
fréquences électromagnétique qui
induisent l'auto-organisation des êtres
vivants. La nature implique donc une forme de spiritualité
mais il n'existe pas
de dieu autre que la nature qui a créé
l'homme, et c'est l'homme qui a
créé ses dieux.
6.4 – Ecologie et
évolution de la civilisation
Fragilité
du modèle occidentale
Comme tout système
écologique, la société
dépend de l'équilibre entre la
population (structure), les ressources (énergie) et le
pouvoir d'adaptation
(auto-organisation).
L'éthique européenne
et occidentale, humaniste
et laïque
donne la priorité aux
"Droits de l'Homme", qui se substituent à la religion et aux
"lois de Dieu". Les droits individuels et la vie humaine sont
en effet sacrés et passent souvent avant
l'intérêt
collectif, ce qui conduit à des
développements qui ne sont plus en harmonie avec
l'organisation
hiérarchique de
l'univers.
La croissance démographique progresse
grâce aux technologies mais sans
rapport avec les ressources réelles de la planète
et sans égard pour les autres
formes de vie. L'industrie agro-alimentaire et les
"progrès" de
la médecine moderne ont pour effet d'augmenter et de
prolonger quantitativement
les vies humaines, ce qui a conduit à une explosion
démographique. A l'état
actuel les ressources en eau, aliments et énergies
ne suffisent plus pour
tous. Elles restent le privilège des pays les plus
développés et deviennent objets
de spéculation en faveur des possédants.
D'autre part, le pouvoir d'adaptation a des
limites. La biologie
constate que tout individu se spécialise au cours de sa vie.
Plus il se spécialise,
plus il diminue sa capacité d'adaptation et plus il devient
vulnérable aux
changements de l'environnement. Ainsi il progresse vers la vieillesse
et la
mort.
Les espèces et par
conséquent l'humanité subissent la même
loi.
L'intelligence humaine a été utilisée
non pas pour adapter l'homme à la nature
mais pour adapter la nature à l'homme. Les technologies sont
des
spécialisations à outrance qui conduisent aussi
bien les individus que la
société à des points de rupture
où la capacité d'adaptation est
dépassée.
Contrairement à ce qu'on a tendance à croire, la
complexité technologique rend
la société de plus en plus vulnérable
aux moindres incidents.
Rôle
de la diversité culturelle
L'adaptation
exige aussi une complexité et une
variété
indispensable de
réponses possibles aux changements de l'environnement; tout
équilibre écologique est fondé sur la
diversité des
espèces ou systèmes. Or la mondialisation
libérale
veut, comme
l'internationalisme socialiste, effacer des différences
entre
individus, ethnies, cultures
et nations, pour tendre vers une
homogénéité
économique et culturelle dont la conséquence est
l'équivalent de la
dégénérescence
entropique en physique: le chaos.
Il existe bien des états multiculturels,
mais ils ne sont pas stables.
Ils ne se maintiennent que par une opportunité
économique ou par une contrainte
politique. Si l'opposition entre communautés culturelles est
trop grande, il n'
y a pas de véritable nation et l'Etat est divisé.
L'exemple type en est
l'ex-Yougoslavie que l'on donnait au temps de la dictature communiste
comme un
exemple de cohabitation culturelle pacifique entre religions langues et
même
écritures différentes. Aussitôt que la
contrainte dictatoriale a cessé, l'Etat
s'est scindé au cours de violentes guerres et de
génocides en nations
regroupant des populations homogènes
par
rapport à la langue et la culture.
L'humanité se trouve sans aucun doute
devant une de ces
"catastrophes" selon le terme de René Thom, une de ces
"bifurcations" qui caractérisent l'évolution des
systèmes chaotiques,
où plusieurs scénarios sont également
probables, laissant l'issue au hasard de
quelque événement devenant "historique" a
posteriori.
L'issue d'une telle situation est par
définition imprédictible; la seule
certitude est que l'homme devra réapprendre à se
soumettre aux lois systémiques de la nature.
Bibliographie:
1.
ALLEAU René - La science des symboles. -
Payot, Paris 1977.
2. REINGOLD François -
Le futur de l'entreprise. - 3e
Millénaire, N° 7, 1983.
3. HUNKE Sigrid - Le soleil d'Allah brille sur
l'Occident. - Albin
Michel, 1997
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