Table des matières:
6.1 Définitions et rappel du modèle 
6.2 – Systémique de la communication
6.3 – Systémique des relations sociales
6.4 – Ecologie et évolution de la civilisation
humanité

Plan du site:

0 - Accueil
1 - Logique systémique
2 - Systémique des traditions
3 - Systémique biomédicale
4 - Nouvelle physique
5 - Systémique en physique
6 – Systémique sociologique

6. - Systémique des relations humaines
et  structures sociales

6.1 Définitions et rappel du modèle systémique

La systémique ou théorie générale définit le système par les relations entre les éléments composant un ensemble quelle que soit sa nature. En effet, les définitions données au système par différents auteurs se fondent toutes sur des rapports, relations ou interactions entre éléments d’une structure et non pas sur la nature de ces éléments. Les lois fondamentales de la systémique s'appliquent à tout ensemble organisé ou système de n'importe quel niveau, depuis les systèmes physiques en passant par les systèmes biologiques jusqu'aux systèmes sociaux. La systémique est dite transdisciplinaire.

Il est rappelé que le modèle systémique proposé sous sa forme MIF (modèle d'intégration fonctionnelle)  à la page 1 (logique) et  à la page 2 (tradition) résulte d'une synthèse entre les principes quantitatifs occidentaux matière-espace-temps et les trois principes qualitatifs  tels qu'ils sont appliqués dans les médecines orientales holistiques: la médecine ayurvédique (3 Gunas ou Doshas)  ou la médecine chinoise (Yin, Yang et Qi).

Le modèle MIF est fondé sur les relations antagonistes et synergiques de 6 thèmes épistémologiques. Les synergies correspondent aux trois propriétés systémiques principales: structure, activité et organisation respectivement en rapport avec la substance, l'énergie et l'information. Ces trois qualités constituent la base du diagnostic holistique des médecines orientales. Elles sont désignées dans les graphiques du site par les lettres V, P et K par analogie aux principes pathologiques Vata, Pitta, Kapha de la médecine ayurvédique indienne. Cette notation permet de représenter les relations systémiques des éléments logiques indépendamment de leurs  sens qui varient selon le contexte physique, biologique ou sociologique.

Les antagonismes désignés par les rapports réciproques V/P P/K K/V  et leurs inverses désignent les thèmes épistémologiques qui sont à l'origine de relations réciproques ou antagonistes définissant les mesures de matière, espace et temps.

Selon Wikipedia la société est "l'ensemble des modèles d'organisation et d'interrelation, des individus et des groupes, des associations, des organisations et des institutions qui concourent à la satisfaction concertée des besoins de la collectivité."

Toute société ou institution humaine est par conséquent un système dont les interrelations se constituent par la communication. C'est pourquoi, avant d'aborder l'organisation systémique de la société, le paragraphe suivant différencie les principales formes de la communication dans le sens de la systémique.

6.2 – Systémique de la communication

Définition

Wikipedia définit la communication selon trois contextes: celui de la théorie de l'information (techniques de transmission d'informations), celui de la psychosociologie et celui de la psychanalyse. Ce qui intéresse ici, c'est la psychosociologie qui est définie ainsi:

"Un second courant, porté par la psychosociologie, s'intéresse essentiellement à la communication interpersonnelle (duelle, triadique ou groupale). La communication est alors considérée comme un système complexe qui prend en compte tout ce qui se passe lorsque des individus entrent en interaction et fait intervenir à la fois des processus cognitifs, affectifs et inconscients. Dans cette optique, on considère que les informations transmises sont toujours multiples, que la transmission d'informations n'est qu'une partie du processus de communication et que différents niveaux de sens circulent simultanément. "

Cette définition signifie que les interrelations sociales sont globales et ne peuvent pas être réduites à un raisonnement causal linéaire comme dans les domaines logico-mathématiques de l'informatique. Elles peuvent être mieux représentées sur un mode analogique, un mode de pensée décrié mais qui est indispensable pour comprendre le fonctionnement global ou systémique.

Evolution historique

Aux époques allant de la préhistoire à l'antiquité, l'homme vivait plus près de la nature dont il était plus dépendant; il devait s'intégrer dans les cycles naturels. Sa perception des choses était systémique et holistique et il communiquait surtout par symboles paradoxaux, par paraboles et allégories dont les sens étaient multiples. Les premières communications graphiques étaient des peintures murales devenant progressivement des pictogrammes tels que les hiéroglyphes ou l'écriture chinoise. En devenant des syllabes et des sons, ces symboles perdaient leur richesse sémiotique  tout en gagnant en précision formelle. Avec l'écriture, l'universalité du sens symbolique a été sacrifiée progressivement à la définition du mot (étymologiquement une limitation du sens). En même temps le raisonnement analogique a fait place au raisonnement déductif-analytique. Cette évolution a atteint son extrême avec le raisonnement mathématique où ce qu'on appelle encore symbole, la variable, n'est en réalité plus qu'un signe indiquant une quantité et n'a plus de sens qualitatif. 

Pourtant l'évacuation du sens n'est ni nécessaire ni irréversible ni même souhaitable. Le rôle de la systémique est de prendre conscience de la complémentarité  de l'ensemble et des parties, de la perception holistique et réductionniste, du raisonnement analogique et analytique, pour redonner un sens aux sciences.

Langage et grammaire

La trilogie des relations systémiques se répercute sur le langage. Les règles logiques fondamentales de la grammaire sont systémiques et très simples:

La structure  ou substance de la phrase se fonde sur les substantifs  qui tiennent les rôles de sujet ou objet. 

L'activité ou énergie de la phrase est formulée par le verbe

L'organisation ou information de la phrase est modulée par les qualificatifs, les adjectifs, adverbes ou compléments. 

Il faut distinguer ces règles de grammaire et la signification du langage. Le sens d'une phrase n'est jamais fixe comme les valeurs d'une équation. La même phrase évoque chez deux sujets différents des significations et émotions nuancées légèrement différentes selon leurs expériences et souvenirs respectif.

Si la grammaire suit des règles assez strictes, le sens des mots par contre peut recouvrir un large spectre de nuances. Il est régi selon les règles de l'analogie.

Analogie

La structure ternaire des synergies et antagonismes de thèmes épistémologiques formant le modèle d'intégration fonctionnelle (MIF) constitue le fondement d’une logique de l’analogie qui repose sur les homologies transcendant tous les niveaux hiérarchiques de la réalité complexe.

Toute signification correspondant par homologie à un des six thèmes épistémologiques, se distingue par son opposition à la signification contraire avec laquelle elle forme un antagonisme fonctionnel et elle se confond avec une autre signification synergique selon une des trois propriétés fondamentales. Il en résulte que chaque signification a trois sortes de relations avec d'autres significations:

  • Une relation antagoniste avec une signification contraire, représentant une fonction.
  • Une relation analogique  avec une signification synergique, qui résulte de leur appartenance commune à une des trois propriétés fondamentales.
  • Des relations homologique avec des significations appartenant au même thème épistémologique fonctionnel mais à des domaines ou niveaux différents de la réalité complexe et qui désignent des rapports fonctionnels semblables, des isomorphismes de fractales.
Les deux dernières relations sont conformes à la définition scolastique de l'analogie que René Alleau explique dans "La science des symboles" (1). Cette logique classique fait la distinction entre une analogie d'attribution et une analogie de proportionnalité, définies de la manière suivante :

Le terme analogue d'attribution est celui qui convient à plusieurs à cause de l'ordonnance à un seul. (Terminus analogus attributionis est qui convenit pluribus propter ordinem ad unum)

Dans l'analogie d'attribution, l'unité tient à ce que l'on rapporte les divers "analogués" à un seul appelé "principal analogué". - Cette forme d'analogie correspond à la relation qui existe entre deux thèmes épistémologiques synergiques qui sont des attributs d'un seul principe ou aspect fondamental du système dont ils distinguent les propriétés par opposition aux deux autres principes. Si, par exemple, on déclare: "l'union fait la force", l'analogie entre les deux termes est fondée sur le fait qu'ils désignent les propriétés fondamentales attribuées à toute activité dirigée (champ énergétique): l'ensemble des forces qui y participent (Dynamisme) et la cohérence dans l'application de ces forces (Continuité).

Le terme analogue de proportionnalité est celui qui convient à plusieurs à cause d'une certaine similitude de proportion
(Terminus analogus proportionalitatis est qui pluribus convenit propter aliquam similitudinem proportionum).

 Dans l'analogie de proportionnalité, il n'y a plus de "principal analogué", mais de mutuelles proportions ou rapports qui créent l'unité entre les "analogués". Alleau donne l'exemple suivant: Nous disons "l'oeil voit" et "l'intelligence voit" parce que l'intellection est à l'intelligence ce que la vision du sensible est à l'oeil:

     Vision  =    Intellection
        Oeil          Intelligence

Si l'on rapporte cet exemple au MIF, la vision et l'intellection indiquent  respectivement l'activité des structures correspondantes: l'oeil et l'intelligence, et les rapports pourraient être complétés de la manière suivante:

    = Activité    =    cause efficiente    =   Pitta    =    Yang
         Structure        cause matérielle         Kapha        Yin      

Ce modèle épistémologique est donc la base de la logique de l'analogie. Le danger des raisonnements analogiques, la confusion, vient de ce qu'on ne distingue habituellement pas les différentes relations entre les significations. Les erreurs sont pourtant évitables si l'on s'en tient à des analogies de proportionnalité, donc à de vraies homologies fonctionnelles. Ceci peut être atteint en précisant à l’avance, pour chaque terme utilisé ses relations fonctionnelles antagonistes, synergiques ou homologiques avec d’autres termes en distinguant strictement les niveaux hiérarchiques. En respectant cette règle il serait possible d'aboutir à un formalisme de la pensée analogique qui ne serait pas moins rigoureux que celui des mathématiques.

6.3 – Systémique des relations sociales

Les trois principes systémiques de l'organisation sociale

Les relations systémiques se résument à trois principes indissociables quoique mutuellement antagonistes. 

  1. La substance composant la structure est la base assurant la stabilité et conservation du système; toute structure a aussi son histoire ou mémoire. C'est ce qu'on appelle cause matérielle.
    Dans la société ce sont les individus et leurs associations qui forment le peuple.
  2. Les énergies des activités constituent les ressources vitales du système. C'est la cause efficiente.
    Dans la société elles sont représentées par les ressources financières, les capitaux qui règlent les échanges économiques, ils procurent le pouvoir permettant les investissements nécessaires dans toute entreprise. 
  3. Les informations intègrent les éléments individuels dans une organisation de niveau supérieur. Elles peuvent être qualifiées de cause finale, ce qui indique seulement le résultat de l'adaptation à l'environnement par auto-organisation et n'implique nullement quelque volonté divine.
    L'ensemble d'informations qui intègrent les individus dans la société ce sont les lois. Celles-ci se fondent elles-mêmes sur une éthique correspondant à une culture et à ses croyances. 

L'entreprise

Les sociétés humaines obéissent toutes aux mêmes trois principes fondamentaux. Toute association a une cause matérielle: ce sont les membres qui en font partie; elle a une cause finale: le but ou la finalité de ses activités; et elle a une cause efficiente: les moyens mis en oeuvre pour réaliser ces activités, dont l'importance se mesure  aux ressources financières, donc au budget.

Le fonctionnement d'une entreprise peut être schématisé par la même structure ternaire.  Dans une étude systémique, François Reingold (2) a représenté l'entreprise par un triangle dont les trois sommets sont occupés par les hommes, le capital et la technique. 

  • Les hommes qui composent cette association que représente une entreprise peuvent être considérés comme la cause matérielle ou comme la structure de son fonctionnement productif; celle-ci dépend du marché du travail. 
  • La puissance financière de l'entreprise, symbolisée par les capitaux  investis et leur rentabilité, constitue la cause efficiente; elle est en relation avec le marché des capitaux. 
  • Enfin la recherche et  l'adaptation des techniques de production représente un processus d'auto-organisation et doit servir à réaliser la finalité de l'entreprise: satisfaire aux exigences du marché des biens de consommation ou d'investissement. 

 Le fonctionnement harmonieux d'une entreprise et de tout système économique repose selon cette conception sur un équilibre entre trois exigences, les exigences salariales et sociales du personnel, les exigences financières liées à la productivité et les exigences de la clientèle concernant le prix et la qualité du produit. 

Ces trois pôles ou sommets du triangle forment trois antagonismes, trois situations conflictuelles permanentes. Entre les hommes et le capital se déroule le conflit productivité-revendications syndicales; entre le capital et les techniques se situe le conflit qui oppose la rentabilité de la production aux coûts de la recherche et des innovations; enfin entre les hommes et les techniques il y a le conflit entre la routine et la motivation qu'exige la formation continue.

L'Etat

Si l'on considère la société au niveau de la nation, sa structure ou cause matérielle repose sur les individus, les familles et les associations qui forment le peuple. La cause efficiente ou la puissance de la nation  résulte de ses ressources économiques et technologiques et elle est représentée par les différentes institutions de l'Etat. C'est ce que l'on nomme le pouvoir. Enfin, une nation peut avoir une finalité qui va au-delà des besoins matériels du peuple ou de l'expansion du pouvoir et qui peut conduire à la réalisation d'un projet culturel et spirituel représenté en général par une religion. Pour s'en convaincre, il suffit de considérer les constructions monumentales telles que les pyramides d'Egypte, ou l'édification de temples dans toutes les grandes cultures, comme par exemple celle des cathédrales au Moyen-Age. Sans une motivation transcendant l'intérêt de la société elle-même et animant toute une nation, de telles réalisations seraient impensables.

Les sociétés traditionnelles, surtout celles qui ont été le siège d'un essor culturel important, étaient en général fondées sur un équilibre entre les besoins du peuple, le pouvoir d'une aristocratie ou d'une royauté et l'autorité spirituelle d'une église ou religion unanimement respectée. Telle était l'organisation de la société dans l'Europe du Moyen-Age.

En France, depuis la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la vie politique se résume à un dualisme entre une "droite" qui détient le capital et le pouvoir et une gauche qui représente les revendications du peuple.

Le principe ternaire, fondement de la stabilité de tout système, a cependant été réintroduit, sous une autre forme, au niveau des institutions laïques. La séparation et l'indépendance des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont en effet reconnues comme conditions du bon fonctionnement de l'Etat démocratique, donc comme principe de la stabilité du système social. L'exécutif exerce le pouvoir (cause efficiente), le législatif représente le peuple (cause matérielle), et la justice constitue en théorie un troisième pouvoir indépendant appliquant la constitution et les lois. Dans la pratique les juges sont nommés par les politiciens, et les lois sont proposées et votées par les politiciens. Le pouvoir et l'indépendance de la magistrature se limite à la jusrisprudence, au jugement cas par cas. 

systémique politique

La disparition du rôle sociopolitique de la religion ou Eglise, qui aurait dû être le troisième pouvoir au rôle d'arbitre entre la population et l'aristocratie sur la base d'une éthique unanimement reconnue et son remplacement par un pouvoir judiciaire dépourvu d'autonomie politique réelle a eu pour conséquence la compétition ou alternance du pouvoir entre une gauche populaire représentant les travailleurs réputés exploités et une droite représentant les propriétaires ou gestionnaires exploitant les ressources matérielles et humaines.

L'alternance bipartisane, le basculement entre socialisme et capitalisme, ne peut pas constituer un équilibre. En effet, la gauche sociale de tendance dirigiste et  internationaliste a produit l'hégémonie communiste qui s'est effondrée par l'inertie et corruption bureaucratique. La droite affairiste de tendance libérale et mondialiste a produit l'hégémonie capitaliste qui se décompose à présent dans le chaos des dérégulations et spéculations égoïstes.

C'est ainsi que l'on s'achemine au-delà d'une crise financière et économique vers une crise  de civilisation  que les commentateurs qualifient à juste titre de crise structurelle ou systémique sans pour autant comprendre les règles systémiques. Les dirigeants sont donc réduits à parer au plus urgent par des expédients calqués sur les mêmes théories économiques ou idéologiques qui ont dèjà échoué.

L'équilibre systémique de l'Etat idéal exigerait un troisième pouvoir vraiment autonome  représentatif des valeurs culturelles d'une nation. Ce rôle que tient traditionnellement une religion, ne pourrait être assuré dans une société moderne laïque, émancipée des doctrines théologiques, que par un conseil constitutionnel formé d'experts scientifiques et culturels de formation académique sans liens avec les partis politiques, les milieux économiques ou les cercles ecclésiastiques, ce qui impliquerait à son tour une totale autonomie des milieux universitaires. Ce conseil serait l'arbitre et garant de toute légitimité des autres pouvoirs, proposerait, vérifierait et appliquerait les lois et se ferait respecter en détenant aussi les pouvoirs policier et judiciaire.

Laïcité

Ce qui fait une nation, ce ne sont pas ses frontières, sa constitution et son administration mais la communication entre les citoyens selon une langue, des coutumes et des symboles culturels communs ou du moins dominants. L'intégration d'un individu dans une nation exige au minimum la maîtrise de la langue et le respect des lois et coutumes. En ce qui concerne les croyances et symboles culturels, l'état laïque garantit la liberté d'opinion et le respect des religions dans la mesure où elles restent privées et n'interfèrent pas dans la vie publique. En effet les communautés monothéistes à tendance intégriste, professant publiquement des "vérités absolues" fondées sur un Dieu prétendu unique et exclusif, suscitent un danger de conflits et de division.

Il existe bien des états multiculturels, mais ils ne sont pas stables. Ils ne se maintiennent que par une opportunité économique ou par une contrainte. Si l'opposition entre communautés culturelles est trop grande, il n'y a pas de véritable nation et l'Etat est divisé. L'exemple type en est l'ex-Yougoslavie que l'on présentait au temps de la dictature communiste comme un exemple de cohabitation culturelle pacifique entre religions langues et même écritures différentes. Aussitôt que la contrainte dictatoriale a cessé, l'Etat s'est scindé, regroupant les populations, au cours de violentes guerres et de génocides, en nations  homogènes par rapport à la langue et la culture.

La religion

La séparation de l'Eglise et de l'Etat en France et la laïcité étaient la conséquence de la perte de crédibilité de l'Eglise catholique et de ses doctrines figées et une suite des guerres de religions. Il faut pourtant bien faire la distinction entre les religions comme institutions ayant leurs doctrines, leurs rites et leurs mythes et la spiritualité en tant que relation avec un ordre supérieur.

Monothéismes

Les religions ou églises ont tous les défauts que peuvent avoir des associations humaines. D'autre part les religions monothéistes revendiquent chacune pour elle le monopole de la "Vérité" sur la simple foi en une révélation antique et des écritures dite saintes mais toujours apocryphes et cent fois remaniées selon les besoins politiques.

Au 13ème siècle déjà, Frédéric II de Hohenstaufen aurait écrit un opuscule selon lequel les 3 plus grands imposteurs de l'Histoire sont Moïse, Jésus et Mohammed. Ce monarque exceptionnel élevé dans une Sicile où religions juive, chrétienne et musulmane se côtoyaient, débattait de problèmes mathématiques avec les plus grands savants arabes. Toujours en conflit avec le pape, il fut obligé de partir en croisade à Jérusalem où, au lieu de faire la guerre, il négocia une paix rendant l'accès des lieux saints aux chrétiens, ce qui lui valut d'être excommunié. Comme on ne nous l'a pas enseigné à l'école, c'est grâce à lui que les premières connaissances scientifiques commencèrent à pénétrer en Europe moyenâgeuse (3). 

Tout monothéisme est une imposture puisqu'il revendique le monopole sur la vérité et le salut qu'il cherche à imposer à l'humanité entière. L'attachement aux écritures et doctrines est un obstacle à tout progrès dans la connaissance et par conséquent aussi au progrès spirituel lui-même.

Spiritualité

Bien qu'elles soient plus anciennes que les monothéismes et par conséquent autant parées de rites, doctrines et écritures, les religions de l'Inde, du Tibet et de Chine, montrent en général plus de tolérance. Contrairement à l'hindouisme attaché au ritualisme védique et aux castes, les philosophies suivantes, sur lesquelles sont construites les médecines traditionnelles ne se fondent pas sur des dieux personnels ni sur l'autorité des écritures telles que les Védas. Leurs grands mystiques déclarent que toute voie peut conduire à l'illumination et recommandent des pratiques de contemplation ou méditation. Dans ce sens ce sont plutôt des cosmologies que des religions. (Des précisions sont données au chapitre VII, des "trois visages de  la vie")

La philosophie du yoga et le Samkhya considèrent l'univers comme réel et généré  à partir d'une dualité entre un principe connaisseur (Purusha) et un principe connaissable (Prakrti) dont émergent les Gunas, les trois qualités fondamentales.

Le bouddhisme tel qu'enseigné à l'origine par le  Bouddha était une théorie et pratique psychologique dont le but était d'échapper à la souffrance par la reconnaissance de l'impermanence du Moi et du Vide ultime. L'ontolologie bouddhique (Abidharma) enseigné aux moines explique le Moi et sa perception du monde par des constructions successives (skandhas) que la méditation doit démonter progressivement pour atteindre l'état originel du Vide. (A noter que la doctrine des réincarnations repris de la tradition védique est en  contradiction avec cette ontologie).

Le taoïsme est proche du bouddhisme par le Tao comparable à la vacuité  bouddhique. Il est proche aussi du Samkhya par la formation évolutive de l'univers à partir du Tao.

Le christianisme originel était probablement inspiré du bouddhisme et du mysticisme osirien. Mais après récupération par l'Empire romain, la religion chrétienne a servi surtout des buts politiques dans la tradition impériale. Les abus de pouvoir et le dogmatisme coupé de la réalité l'ont éloignée de la société, et ont conduit à la séparation de l'Eglise et de l'Etat et à la laïcité. 

Dans toute société traditionnelle, la culture et ses expressions artistiques étaient inspirées de la religion. La société occidentale laïque a échappé à cette règle. La vie culturelle de notre époque n'est plus inspirée par une spiritualité ou un projet collectif, la créativité artistique reste une affaire individuelle, d'où la nature chaotique de l'art contemporain qui est l'image fidèle du manque d'orientation de notre civilisation et de sa dégénérescence.

 Archétypes et inconscient collectif de C.G. Jung

La hiérarchie du psychisme ne se limite pas aux 3 niveaux rationnels de la connaissance et de la logique. Dans son schéma Ken Wilber distingue 5 niveaux:

niveaux psychiques

Légende:

5 - sensible: sensation

       4. rationnel déductif:               objet sensible: le phénomène
3 - rationnel herméneutique;         objet intelligible: le sens des pensées
       2 rationnel symbolique;           objet transcendantal: images, paraboles, allégories

1 - irrationnel: sentiment émotion archétypes divinisés illumination)

Dans la hiérarchie de la connaissance, les niveaux s'enfoncent progressivement de la surface du sensible en passant par les 3 niveaux rationnels jusqu'aux profondeurs affectives de l'inconscient personnel puis collectif.

Dans le domaine irrationnel (au sens positif), les thèmes épistémologiques se confondent avec les archétypes de Jung qui sont l'expression de l'inconscient personnel ou collectif. Au-delà de son vécu personnel, l'esprit de chacun est en effet enraciné dans l'inconscient de sa famille, de sa tribu, de son ethnie et finalement de son espèce. C'est la raison du culte de l'au-delà, des esprits et des ancêtres commun à toutes les religions. 

Le "Livre des Morts tibétain" commenté par C.G. Jung fait comprendre que les dieux surgissent  comme archétypes du plus profond de l'inconscient collectif, exprimés par des forces affectives. Comme ces dieux y sont assimilés aux "éléments" on peut conclure qu'ils émergent comme les thèmes épistémologiques de la structure fondamentale du psychisme représenté par le spectre systémique des dispositions psychiques (page 3, figure 3.8).

Jung a insisté sur la puissance affective des archétypes, sur la nocivité possible de ces affects lorsqu'ils deviennent autonomes et sur la nécessité de les contrôler par les pratiques modernes psychanalytiques à défaut des pratiques religieuses  traditionnelles méditatives, rituelles ou chamaniques.

Ce que les grands sages du bouddhisme appellent illumination n'est autre que l'équilibre idéal central, où toute distinction actuelle, rationnelle ou émotionnelle, est absente car tout y est potentiellement inclus (logique du tiers inclus de Lupasco). Le Vide du bouddhisme signifie alors la réalisation de l'omni-potentialité par dissolution de toute distinction rationnelle ou émotive.

Du point de vue systémique, l'esprit conscient ou inconscient est une émergence des lois de la nature universelle. C'est une organisation que l'on doit se représenter physiquement comme un réseau d'interférences entre les structures-mémoires du sujet et les ondes-informations du milieu. Des précisions à ce sujet sont données à la page 5 "Systémique en physique".

Il ne peut y avoir d'esprit organisé sans structure. La mort marque la fin de la structure et de l'individu. Elle ne met pas forcément fin aux ondes-informations, celles-ci pouvant s'attacher à d'autres structures, à des personnes proches participant à un inconscient collectif commun, ou même à des objets et des lieux qui s'y rapportent; il est connu que des personnes sensibles ressentent "l'esprit du lieu". Telle est l'explication systémique,  physique et psychique des phénomènes dits paranormaux et des pratiques chamaniques qui ne sont pas des mythes comme les doctrines théologiques mais des faits d'expérience dont il faut tenir compte.

En conclusion, il existe dans la nature des d'informations sous forme de fréquences électromagnétique qui induisent l'auto-organisation des êtres vivants. La nature implique donc une forme de spiritualité mais il n'existe pas de dieu autre que la nature qui a créé l'homme, et c'est l'homme qui a créé ses dieux. 

6.4 – Ecologie et évolution de la civilisation

Fragilité du modèle occidentale

Comme tout système écologique, la société dépend de l'équilibre entre la population (structure), les ressources (énergie) et le pouvoir d'adaptation (auto-organisation).

L'éthique européenne et occidentale, humaniste et laïque donne la priorité aux "Droits de l'Homme", qui se substituent à la religion et aux "lois de Dieu". Les droits individuels et la vie humaine sont en effet sacrés et passent souvent avant l'intérêt collectif, ce qui conduit à des développements qui ne sont plus en harmonie avec l'organisation hiérarchique de l'univers. 

La croissance démographique progresse grâce aux technologies mais sans rapport avec les ressources réelles de la planète et sans égard pour les autres formes de vie. L'industrie agro-alimentaire et les "progrès" de la médecine moderne ont pour effet d'augmenter et de prolonger quantitativement les vies humaines, ce qui a conduit à une explosion démographique. A l'état actuel  les ressources en eau, aliments et énergies ne suffisent plus pour tous. Elles restent le privilège des pays les plus développés et deviennent objets de spéculation en faveur des possédants.

D'autre part, le pouvoir d'adaptation a des limites. La biologie constate que tout individu se spécialise au cours de sa vie. Plus il se spécialise, plus il diminue sa capacité d'adaptation et plus il devient vulnérable aux changements de l'environnement. Ainsi il progresse vers la vieillesse et la mort.

Les  espèces et par conséquent l'humanité subissent la même loi. L'intelligence humaine a été utilisée non pas pour adapter l'homme à la nature mais pour adapter la nature à l'homme. Les technologies sont des spécialisations à outrance qui conduisent aussi bien les individus que la société à des points de rupture où la capacité d'adaptation est dépassée. Contrairement à ce qu'on a tendance à croire, la complexité technologique rend la société de plus en plus vulnérable aux moindres incidents. 

Rôle de la diversité culturelle

L'adaptation exige aussi une complexité et une variété indispensable de réponses possibles aux changements de l'environnement; tout équilibre écologique est fondé sur la diversité des espèces ou systèmes. Or la mondialisation libérale veut, comme l'internationalisme socialiste, effacer des différences entre individus, ethnies, cultures et nations, pour tendre vers une homogénéité économique et culturelle dont la conséquence est l'équivalent de la dégénérescence entropique en physique: le chaos. 

Il existe bien des états multiculturels, mais ils ne sont pas stables. Ils ne se maintiennent que par une opportunité économique ou par une contrainte politique. Si l'opposition entre communautés culturelles est trop grande, il n' y a pas de véritable nation et l'Etat est divisé. L'exemple type en est l'ex-Yougoslavie que l'on donnait au temps de la dictature communiste comme un exemple de cohabitation culturelle pacifique entre religions langues et même écritures différentes. Aussitôt que la contrainte dictatoriale a cessé, l'Etat s'est scindé au cours de violentes guerres et de génocides en nations regroupant des populations  homogènes par rapport à la langue et la culture.

L'humanité se trouve sans aucun doute devant une de ces "catastrophes" selon le terme de René Thom, une de ces "bifurcations" qui caractérisent l'évolution des systèmes chaotiques, où plusieurs scénarios sont également probables, laissant l'issue au hasard de quelque événement devenant "historique" a posteriori.

L'issue d'une telle situation est par définition imprédictible; la seule certitude est que l'homme devra réapprendre à se soumettre aux lois systémiques de la nature.

Bibliographie:

1. ALLEAU  René - La science des symboles. - Payot, Paris 1977.  

2. REINGOLD  François - Le futur de l'entreprise. - 3e Millénaire, N° 7, 1983.

3. HUNKE Sigrid - Le soleil d'Allah brille sur l'Occident. - Albin Michel, 1997