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Annexe 

Auto-organisation et médecines globales

Le système ouvert et ses interactions

Au chapitre IV il a été démontré, que l'être vivant  fonctionne comme un système ouvert auto-organisé et que son organisation émerge de la complémentarité de trois aspects  ou propriétés fonctionnelles qui caractérisent la vie et dont les relations sont résumées dans le schéma du modèle d'intégration fonctionnelle (Fig. 11)

  La structure, qui est maintenue par la reproduction invariante des mêmes formes adaptées, se manifeste par l'inertie de sa masse ou substantialité et par la détermination, la constance  ou invariance des mémoires et programmes qu'elle représente. Elle est donc la cause matérielle de la conservation du système biologique.

Le champ énergétique ou morphogénétique, qui est formé par des résonances, comme un réseau d'interférences, manifeste aussi bien le dynamisme que la cohérence ou continuité du système. Il est la cause efficiente de toute action dirigée ou cohérente.

L'auto-organisation, qui émerge du chaos comme les "structures dissipatives", représente à la fois la multiplicité ou discontinuité des parties relativement indépendantes et l'indétermination, le  potentiel de nouveaux rapports plus complexes que cette multiplicité implique. Elle est, en tant  que pouvoir d'adaptation, la cause finale qui confère aux êtres vivants leur flexibilité ou mobilité et leur capacité d'apprendre et d'innover.

Les trois aspects du système sont complémentaires, ce qui signifie qu'ils sont à la fois contraires et inséparables; en effet chacun est en relation contradictoire par ses deux facettes qualitatives avec les deux autres aspects; et pourtant ces aspects et leurs six qualités sont indissociables. Ils ne représentent pas des parties composantes mais des manifestations, différentes selon le point de vue de l'observateur seulement, d'une réalité unique, celle du fonctionnement global du système. Ils ne sont donc à vrai dire que des éléments logiques, des catégories de notre raison, c'est-à-dire des principes épistémologiques.

Il est logique par conséquent que, quel que soit le point de vue sous lequel on étudie ou manipule le système - structure, champ énergétique ou auto-organisation - il sera toujours l'expression de cet état fonctionnel global du système,  du rapport ou équilibre entre ces trois aspects fonctionnels eux-mêmes, qui se manifeste par une des trois propriétés fondamentales:  l'inertie de la structure, l'activité cohérente due au champ énergétique ou la variabilité des réactions d'auto-organisation. Que l'on étudie donc le comportement de structures moléculaires comme dans les bilans du C.E.I.A., que l'on étudie le comportement énergétique comme, par exemple, dans le diagnostic de la thermorégulation, ou que l'on étudie le comportement réactionnel  du patient comme en homéopathie, on constatera toujours des déséquilibres globaux, des déviations du fonctionnement normal, qui peuvent précéder et favoriser l'apparition d'une véritable pathologie lésionnelle et qu'il s'agit de corriger, non seulement pour prévenir, mais aussi pour améliorer l'état général et le bien-être subjectif du patient. Ceci est l'objectif principal des médecines véritablement globales. La guérison de lésions organiques intervient alors secondairement par rétablissement et optimisation du pouvoir d'auto-guérison qui est une forme d'auto-organisation.

Le schéma du MIF (Fig. 11) représente en outre trois types d'interactions du système ouvert avec l'environnement; aux trois aspects du système correspondent les interactions par substances, par énergies et par informations. Il ne faut cependant pas y voir des agents de nature différente, mais des modes d'action différents d'agents thérapeutiques quels qu'ils soient. Les exposés suivants montreront qu'une substance est aussi porteuse d'énergie et d'informations, et qu'une énergie est également une information. Par contre il existe des informations qui ne sont ni des énergie ni des substances. Cela dit, il est permis de classer les méthodes de traitement naturelles en  trois grandes catégories selon leurs modes d'action différents

  - Les traitements par substances ou autres moyens qui modifient la structure et influencent principalement l'homéostasie. Parmi eux figurent, à côté de la chimiothérapie, principalement la diététique et la phytothérapie.

- Les traitements par énergies ou autres mesures qui modulent le champ énergétique et impliquent l'hétérostasie. Il s'agit essentiellement de l'acupuncture.

- Les traitements par informations qui suscitent l'auto-organisation et concernent aussi la téléostasie. L'exemple le plus pur en est l'homéopathie.

Les médecines de la Chine, de l'Inde et du Tibet connaissent depuis des millénaires ces trois aspects et leurs six qualités qu'elles ont formalisées dans leurs théories des "humeurs" ou  des 5 éléments, qui sont en fait six dans la réalité de la pratique médicale (Fig. 10). Toutes les médecines traditionnelles ont développé des méthodes de diagnostic qui tiennent compte de ces rapports entre les qualités fondamentales des systèmes vivants et des  méthodes thérapeutiques qui utilisent les trois types d'interactions. Pour illustrer la portée pratique de ces considération, qui peuvent paraître quelque peu abstraites et théoriques, les pages suivantes proposent quelques réflexions sur les modes d'action et les règles diagnostiques et thérapeutiques traditionnelles qui font de ces méthodes naturelles des médecines vraiment globales.

Phytothérapie et diététique.

Selon notre optique européenne, les deux formes thérapeutiques ne peuvent pas être classées ensemble, car la médecine scientifique sépare strictement les médicaments et les aliments. Les médecines traditionnelles des cultures d'Extrême-Orient ne font pas de distinction aussi radicale. Bien qu'elles utilisent aussi des plantes ou d'autres substances naturelles en petites doses comme médicament, elles estiment pourtant que chaque plante, chaque aliment, chaque substance est capable d'exercer un effet sur l'organisme qui peut être utilisé à des fins thérapeutiques. De ce point de vue-là, les effets des deux formes thérapeutiques peuvent être discutées en commun.

Selon la conception occidentale de la diététique, on évalue la valeur des aliments selon leur contenu en substances (sucres, protéines, graisses) que l'organisme peut utiliser soit comme matières constitutives, soit comme sources d'énergies. D'autre part la valeur qualitative de l'aliment est jugée selon son contenu en éléments essentiels tels que les vitamines, minéraux etc. Un véritable effet thérapeutique ne leur est cependant reconnu qu'en présence d'états de déficience avérés.

Les médicaments proprement dits sont, du point de vue pharmacologique, des substances chimiquement définies, qui interviennent selon un mode d'action plus ou moins connu dans les mécanismes physiologiques ou biochimiques. L'étude scientifique des plantes consiste donc à les analyser, à les réduire en  composantes, pour isoler des "principes actifs" sous une forme chimiquement pure, afin de pouvoir élucider leur mode d'action et pour pouvoir établir avec précision le rapport entre doses et effets. Beaucoup de médicaments importants et indispensables de la pharmacopée moderne ont été développés ainsi à partir de plantes (cardiotoniques, anticoagulants, antibiotiques, antimitotiques, salicylés etc.).

Les médecines naturelles des traditions orientales par contre conçoivent l'effet de la plante comme un tout. Les effets pharmacologiques prépondérants et la toxicité de chaque plante leur sont pourtant bien connus, mais elles n'utilisent pas de méthode analytique pour isoler des principes actifs. La fabrication d'un médicament traditionnel consiste au contraire à neutraliser la toxicité des constiuants par des procédés physiques et à harmoniser l'effet global du remède en ajoutant d'autres substances végétales ou minérales.

Les procédés traditionnels sont en quelque sorte l'inverse des  méthodes de la pharmacologie. Alors que celle-ci produit des substances chimiquement pures, pour obtenir chez la grande majorité des personnes traitées un effet localement limité aussi intense que possible,  les médecines orientales composent au contraire des formules complexes, dont l'effet doit être ajusté aussi harmonieusement que possible à l'état global d'un patient individuel.

Le reproche de la pharmacologie, que la phytothérapie serait empirique et non fiable peut être justifié, lorsqu'il s'applique à nos conditions occidentales où une conception globale de l'être vivant fait défaut ou a été oubliée, au cas où elle aurait existé autrefois. Les médecines orientales par contre possèdent une conception claire des relations fonctionnelles globales. Elle est exprimée de manière différente, selon le contexte culturel, mais repose toujours sur les mêmes principes. Aussi bien dans ses considérations diagnostiques que dans ses procédés thérapeutiques chacune de ces médecines s'appuie sur une théorie des éléments ou des humeurs. Ces théories ne sont cependant ni empiriques ni ésotériques ou irrationnelles, car elles servent à représenter l'équilibre fonctionnel global de l'organisme en tant que système ouvert. Pour le médecin oriental il va de soi que  la tâche principale du traitement, et la règle  première selon laquelle celui-ci ne doit surtout pas nuire au patient, consiste à reconnaître la nature de la perturbation de l'équilibre global et à rétablir celui-ci, ou au moins à ne pas contribuer à l'aggraver, afin d'induire et d'optimiser la tendance naturelle à l'auto-guérison. En effet, si l'on applique les traitements selon les  seuls critères symptomatiques ou nosologiques, on peut s'attendre dans le meilleur des cas à un soulagement local, mais on risque dans le pire des cas de détériorer l'état général du patient. Ici se situe le danger des "effets secondaires" et des maladies iatrogènes (possibles aussi en phytothérapie) dont on connaît le caractère individuel et donc imprévisible, du moins selon les critères "scientifiquement reconnus".

C'est pour cette raison que dans les médecines traditionnelles orientales, la classification des remèdes - aussi bien celle des aliments  curatifs que celle des plantes ou autres substances naturelles - n'est pas orientée par les seuls points de vue symptomatiques ou organiques mais avant tout par leurs critères de diagnostic global. Les matières médicales de l'ayurvéda et de la médecine tibétaine aussi bien que la pharmacopée chinoise décrivent les propriétés de chaque plante sur différents niveaux qui vont des effets les plus généraux et globaux en passant par des effets fonctionnels spécifiques jusqu'aux effets organiques locaux.

Dans les médecines indienne et tibétaine, l'appartenance de chaque plante aux élément ou à leurs synergies, les humeurs (Doshas), est déduite de ses qualités (Gunas), perceptibles par les cinq sens . Sa nature (virya), chaude ou froide, c'est-à-dire son effet stimulant ou apaisant est également reconnu directement à ses qualités sensorielles. A partir de ces caractéristiques il  est possible de déduire l'action générale de la plante sur l'équilibre global de l'organisme en tant que système ouvert. En second lieu, les effets fonctionnels spécifiques sur les canaux (srotas), les tissus corporels (dhatus) et les excrétions (malas) sont précisés. Ensuite la plante est décrite par ses modes d'action physiologiques généraux (diaphorétiques, carminatifs etc.) comme dans la phytothérapie occidentale. A la fin, certaines plantes se voient attribuer encore un effet typique puissant qui ne peut pas être classé selon les éléments ou humeurs et qui représente un effet pharmacologique dans le sens de la médecine scientifique.

La médecine chinoise distingue également cinq saveurs (wei) qui révèlent l'élément dominant de la plante. Quatre énergies (Qi) qui s'étagent entre le chaud et le froid (Yin et Yang) indiquent les tendances apaisantes ou stimulantes. Après cette description de l'action globale de la plante, le méridien dans lequel elle va pénétrer est précisé, ce qui indique déjà son affinité pour certains organes et tissus. A la fin les effets physiologiques et les indications cliniques sont expliqués.

Selon ces conceptions traditionnelles, l'action d'une plante ne peut pas être réduite à sa composition chimique. Elle agit comme un tout sur l'organisation globale de la personne traitée. Elle a un effet sur l'équilibre de l'ensemble, qui se manifeste  à travers les qualités exprimées par les éléments et les humeurs, ce qui présuppose un diagnostic de dysfonction globale. Il en résulte un effet sur certaines fonctions qui correspond à un diagnostic de dysfonction spécifique. Cela conduit pour finir aux effets symptomatiques sur des processus physiologiques particuliers et sur les organes correspondants, qui représentent les principes du diagnostic organique et nosologique dans le sens scientifique occidental.

Les conceptions des médecines traditionnelles reposent finalement toutes sur les théories des éléments et des humeurs. Sans ces principes diagnostiques et thérapeutiques l'expérience millénaire de ces médecines dans l'usage des plantes ne peut être ni comprise ni appliquée. Le modèle d'intégration fonctionnelle des systèmes ouverts et ses homologies avec ces théories offre un accès à  ce trésor inestimable de savoir et d'expérience que représente la science orientale des plantes. Comme modèle transdisciplinaire il donne la possibilité de comparer les connaissances des différentes cultures sur la base d'une conception rationnellement compréhensible du fonctionnement global des systèmes ouverts.

Acupuncture

Il est connu que l'acupuncture est une forme de traitement par aiguilles ou par d'autres stimulations de certains points de la surface corporelle appelés points d'acupuncture. Cette méthode chinoise remonte à des époques très reculées, ce qui permet différentes hypothèses quant à son origine. Selon certains auteurs (1), des traitements par aiguilles étaient déjà appliqués par les médecins de l'ancienne Egypte; ce procédé thérapeutique aurait cependant été découvert par la civilisation de l'Indus, et de là, aurait pénétré à travers l'Asie centrale et par la route de la soie jusqu'en Chine, où elle aurait été perfectionnée pour devenir la théorie d'acupuncture hautement différenciée que nous connaissons aujourd'hui.

Les anciens chinois découvrirent que certains points d'acupuncture peuvent être réunis par une même relation fonctionnelle qu'ils attribuaient à des canaux invisibles. Ils relièrent donc ces points, formant ainsi des trajets linéaires qui parcourent la surface corporelle dans le sens longitudinal, depuis les mains ou les pieds jusqu'au tronc ou à la tête. Ces lignes, qui ont été appelées méridiens par les occidentaux, ne représentent selon la conception chinoise que la projection superficielle de canaux d'énergie situés en profondeur.

L'efficacité de l'acupuncture dans le traitement des douleurs est en général reconnue. Il a pu être démontré que ces traitements provoquent une sécrétion d'endorphines dans le cerveau et que leurs effets ont un rapport avec le système nerveux. Malgré cela, l'acupuncture ne peut pas être réduite à de simples phénomènes biochimiques ou réflexes. Ses effets ne peuvent que rarement être attribués à des points isolés mais sont provoqués par des programmes, selon des règles précises, combinant plusieurs points qui sont en général éloignés de l'organe-cible et sont choisis par paires: devant et derrière, à gauche et à droite, en haut et en bas, dans le sens d'une polarisation Yin-Yang. Déjà ce fait laisse supposer que l'acupuncture sollicite un système polarisé qui règle les relations spatiales entre les organes et qui ne peut pas être identifié entièrement avec le système nerveux. La recherche moderne n'a pas pu trouver de structure anatomique  de la peau correspondant aux points d'acupuncture. Malgré cela ceux-ci peuvent être mis en évidence par des propriétés fonctionnelles particulières. On peut ainsi constater par des mesures, que les points d'acupuncture ont une conductivité électrique et thermique plus élevée que la peau environnante. Par conséquent, si les points d'acupuncture n'existent pas en tant que structures, ils existent pourtant bien en tant que propriétés fonctionnelles énergétiques. On peut les considérer comme une projection sur la peau de potentiels électriques ou magnétiques situés en profondeur. Telle est en tout cas une hypothèse  proposée par le biophysicien F.-A. Popp (2).

Des recherches récentes montrent en effet que les liaisons globales, fonctionnelles ou énergétiques, entre organes et cellules reposent sur les propriétés particulières de la substance fondamentale du tissu conjonctif. Ce tissu proche du mésenchyme, que l'on trouve dès le début de l'embryogénèse, constitue selon A. Pischinger  le véritable milieu intérieur responsable des réactions globales de toute nature de l'organisme. La substance fondamentale joue en effet un rôle central dans la nutrition cellulaire, dans toutes les réactions inflammatoires et de défense immunitaire, mais aussi dans les communications entre cellules et organes. Il s'agit du point de vue macroscopique du tissu conjonctif, du point de vue microscopique de polymères glucidiques, qui existent à l'état libre ou liés à des protéines ou à des lipides. La structure combinée d'eau et de polymères glucidiques constitue selon H. Heine le système d'information et de défense le plus ancien des êtres polycellulaires. (3)

Le système d'acupuncture correspond de toute évidence à cette régulation par la substance fondamentale. Il exerce dans l'organisme la fonction primordiale de la communication, désignée  par le terme hétérostasie, qui dirige les propriétés spatiales de l'ensemble en créant les liaisons entre les parties et qui est par conséquent aussi à l'origine de la forme corporelle. Il s'agit d'un réseau de conduction d'excitations qui s'étend à tout l'organisme et qui réalise le fonctionnement global de l'ensemble par la coordination du fonctionnement des parties. Il manifeste donc l'équilibre global de l'organisme tout en étant lui-même un sous-système obéissant à toutes les conditions du fonctionnement d'un système ouvert auto-organisé.

Ce fonctionnement global de la régulation fondamentale a été représenté dans la médecine chinoise par six couples de méridiens Yin et Yang, dont chacun est attribué à un élément. C'est le sens fonctionnel des organes et méridiens rattachés aux éléments, qui a permis de démontrer l'homologie de ceux-ci avec les thèmes épistémologiques et de parvenir ainsi au modèle d'intégration fonctionnelle (MIF) des systèmes ouverts. Une homologie entre cette représentation de l'organisation biologique et les théories chinoises semble pouvoir être confirmée aussi par la disposition des éléments ou méridiens dans ce schéma. Les relations mutuelles des méridiens forment selon les théories classiques de l'acupuncture six niveaux d'énergie dont les couplages Yin-Yang correspondent à trois diagonales dans le MIF (voir Fig. 15). Cela n'explique pas  formellement la signification de ces niveaux d'énergie. Certains indices laissent cependant supposer qu'une interprétation physique du modèle comme champ énergétique pourrait révéler qu'il  existe une relation entre ces diagonales et les trois propriétés du champ: l'amplitude, la polarisation et la fréquence.

Les milieux occidentaux qui s'efforcent de trouver une explication scientifique aux effets de l'acupuncture sont souvent tentés de les réduire à des phénomènes neurologiques réflexes. Cela peut suffire pour rendre compte de certains effets analgésiques locaux. Les développements précédents devraient cependant rendre attentif au fait que le fonctionnement global de l'organisme en tant que système n'est pas expliqué pour autant et que pour traiter des troubles qui concernent l'équilibre de l'ensemble, les rapports entre éléments ou thèmes épistémologiques qui manifestent des déviations de cet équilibre, ne peuvent pas être négligés.

Homéopathie

L'homéopathie est une forme de traitement très particulière qui ne peut être comparée à aucune autre. Son fondateur, Samuel Hahnemann, était un médecin et pharmacologue réputé; mais il ne pouvait pas se résigner à suivre les égarements de la médecine de son époque. Il suivit donc son propre chemin en expérimentant les remèdes sur lui-même. Lors d'une telle auto-expérimentation avec l'écorce de china (la quinine) il éprouva des symptômes qui ressemblèrent à ceux de la malaria, maladie guérie par ce remède. Il put constater la même relation avec d'autres médicaments. Il en conclut que le semblable peut être guéri par des semblables (similia similibus curantur). Une substance qui provoque chez une  personne en bonne santé un ensemble de symptômes déterminés, peut guérir un malade qui présente ces mêmes symptômes.

Par cette démarche expérimentale, Hahnemann put constater que l'effet qu'un remède produit chez la personne en bonne santé après une durée prolongée de traitement, persiste aussi avec de toutes petites doses et que l'efficacité thérapeutique chez le malade est même améliorée par l'emploi de telles doses minimes. Cette observation le conduisit à utiliser des dilutions infinitésimales.

Le remède homéopathique est obtenu en diluant la solution d'une substance naturelle (minérale, animale ou végétale) de façon répétée au dixième ou au centième, et en appliquant à chaque étape un certain nombre de succussions. On admet que ces succussions "dynamisent" le remède, c'est-à-dire renforcent son pouvoir. Ces séries de dilutions sont poursuivies  bien au-delà du nombre d'Avogadro, la limite où théoriquement aucune molécule n'est plus présente. Si l'on évalue l'homéopathie selon des critères scientifiques réductionnistes et matérialistes, on la rejettera sous prétexte que sans molécule il ne peut y avoir d'effet. Mais le problème se pose  sous un tout autre angle, si l'on considère le remède homéopathique du point de vue holistique ou systémique.

L'eau a des propriétés remarquables. Ses molécules forment des polymères, une sorte de cristaux liquides dont les structures, et par conséquent le champ énergétique complémentaire, se comportent de façon différente, selon la nature des molécules de substances dissoutes dans ce liquide. Il est donc possible que par le procédé de dynamisation, c.-à-d. par la succussion, ces polymères forment des structures cohérentes ou "structures dissipatives" qui s'accentueraient à chaque étape de dilution. Alors que la substance initialement dissoute diminue et finit par disparaître, ces structures de l'eau peuvent probablement se maintenir par auto-catalyse et se stabiliser.

La présence de propriétés électromagnétiques spécifiques qui pourraient être causées par de telles structures peut être démontrée actuellement par des technologies modernes. Aussi bien E. Guillé que F.A. Popp mentionnent les travaux publiés par C. Luu, qui a démontré la présence de spectres d'absorption spécifiques à la méthode du Raman-laser dans les dilutions dynamisées allant jusqu'à la trentième centésimale. Il faut ajouter à présent les recherches que Y. Lasne et coll. effectuent avec la technique de la résonance magnétique nucléaire et qui indiquent également que les dilutions homéopathiques contiennent un signal spécifique jusqu'à la trentième dilution centésimale (4).

Le remède homéopathique contient donc vraiment quelque chose: une information de nature électromagnétique, qui peut être transmise à l'organisme.  On peut présumer que les êtres vivants réagissent à des informations de cette nature. Popp mentionne plusieurs exemples de la sensibilité extrême des organes sensoriels de certains animaux à des stimulations dont les effets ne peuvent plus être expliqués par des molécules mais bien par des influences électromagnétiques minimes (des photons cohérents). Les structures de l'ADN, des cellules, de la substance fondamentale et même du système nerveux, qui sont toutes reliées et vibrent en commun, fonctionnent elles-mêmes comme des "structures dissipatives"; elles peuvent donc répondre aux signaux cohérents des remèdes homéopathiques par une auto-organisation. Exprimé par des mots plus simples, cela signifie que l'organisme peut reconnaître dans le signal énergétique du remède homéopathique la substance initialement dissoute, bien que celle-ci ne soit plus présente. Il va donc réagir à cette information comme si il était en contact avec la substance. Sa réaction d'adaptation sera donc exactement appropriée pour écarter tout ce qui peut occasionner les mêmes symptômes que la substance en question. Donc, lorsqu'un malade prend la dilution dynamisée d'une substance qui pourrait provoquer  chez une personne saine ses propres symptômes de maladie, son organisme ajustera ses régulations par auto-organisation de telle façon qu'il se dirige vers l'auto-guérison.

Pharmacologie et homéopathie ont donc des modes d'action contraires. Comme substance, le remède pharmacologique a une action physico-chimique obligatoire et contraignante dans un sens déterministe, sur des structures  ou des processus physiologiques déterminés. Mais à cette action primaire, l'organisme oppose une réaction secondaire comme à n'importe quelle perturbation, ce qui veut dire que les effets de la substance agissent sur le système auto-organisé comme des informations et provoquent toujours une réponse d'adaptation. Le remède homéopathique ne contient, quant à lui, aucune substance active, mais apporte par contre toujours l'information la concernant. La réaction que celle-ci suscite n'est pas due à un déterminisme imposé de l'extérieur (de l'objet), mais à un indéterminisme, à l'auto-organisation du patient (du sujet). Cet effet est donc libre, spontané, facultatif et imprévisible dans sa nature, bien qu'en tant que réaction à une substance donnée il soit orienté vers une finalité précise.

Pharmacothérapie ou homéopathie signifie substance ou information. Les deux méthodes sont séparées par la contradiction détermination-indétermination qui définit la fonction d'adaptation appelée téléostasie. Leurs relations à la fois contradictoires et complémentaires peuvent être comprises à travers le fonctionnement global du système, dont le MIF est une représentation. Elles correspondent à deux aspects complémentaires de l'ensemble fonctionnel, la structure et l'auto-organisation, et ne peuvent donc pas être évaluées selon les mêmes critères et les mêmes méthodes. Leurs domaines d'application sont totalement différents et c'est bien pourquoi ces deux méthodes de traitement sont complémentaires.

A ces différences dans les modes d'action du traitement correspondent des différences dans la procédure de l'examen et du diagnostic. Les diagnostics organiques et nosologiques sont sans intérêt dans la démarche de l'homéopathie. Ce ne sont pas les faits organiques, structurels, mais les modes de réaction et d'adaptation du patient qui conduisent sur la base du principe de similitude au médicament indiqué qui, en tant qu'information, sollicite l'auto-organisation, donc la capacité d'adaptation du malade. Ce comportement global du patient, qui comprend tous les niveaux de l'organisation biologique, depuis les réactions  physiologiques jusqu'aux sensations subjectives et aux émotions psychiques, est la base du  système de diagnostic, que représente la vaste matière médicale homéopathique.

Hahnemann découvrit dans l'apparition de cette multiplicité de symptômes un ordre qui repose sur le fait que certains ensembles de symptômes appartenant à différents niveaux de l'organisation biologique se retrouvent régulièrement réunis de façon semblable, formant ce qu'on appelle aujourd'hui  un syndrome psychosomatique. Il classa ces comportements globaux en trois miasmes ou diathèses qu'il nomma, selon la désignation des plus importants troubles de la santé de son époque luèse, psore et sycose. Le choix de cette classification ne doit cependant pas être attribué à ces maladies contagieuses, ni au hasard. Le fait que les principaux remèdes de ces diathèses correspondent aux trois substances mercure, soufre et sel, que l'alchimiste Paracelse désignait comme des principes dont dérivent tous les autres métaux et substances, indique que Hahnemann s'était inspiré de la science alchimiste. Les trois diathèses de Hahnemann appartiennent donc, comme l'alchimie (de l'arabe al-kêmia, science venue du pays de kêm: l'Egypte) et la médecine spagyrique qui en dérive, à cette grande Tradition qui, venant d'Egypte, s'est répandue surtout en Orient. Les trois principes essentiels communs à toutes les médecines de ces traditions émergent, comme une compréhension intuitive, de la méditation sur les conditions de notre relation avec la réalité du monde, donc sur les conditions de notre connaissance. Cette réalité, qui est de toutes les époques et de toutes les cultures, est celle de la vie, de l'homme ou de son fonctionnement comme système ouvert.

Conclusion

La compréhension scientifique de la nature globale de l'auto-organisation biologique pourrait placer aussi bien les médecines traditionnelles que la médecine scientifique devant un défi sans précédents. Les premières pourraient perdre un peu de leur attrait mystérieux par l'explication rationnelle de leurs théories, ésotériques parce que mal comprises, des éléments et des humeurs. La seconde qui, en raison du dogme réductionniste, n'a par principe jamais établi une conception globale de l'être, serait obligée de reconnaître la validité de théories qu'elle croyait irrationnelles, dépassées et enterrées, et de s'en remettre, dans une première approche au moins, à l'expérience des traditions dans ce domaine.

"Il se trouve que les lois de la nature sont ainsi faites",

disait le vieux sage Lao-tseu,

"certains gagnent en perdant, 
 
certains perdent en gagnant."

(Tao-te-king, verset 42)

 

 

Notes bibliographiques.

(1) J. Amoyel, "Le défi par l'aiguille", Dangles, p. 16-17.

(2) F.-A. Popp, "Neue Horizonte in der Medizin", p. 141/142.

(3) H. Heine dans A. Pischinger, "Das System der Grundregulation".

(4) Y. Lasne et coll, "Contribution à l'approche scientifique de la doctrine homéopathique",  DE NATURA RERUM, 1/1989.