Accueil La trilogie néoplatonicienne de Plotin
Origine du néoplatonisme
Au IIIe siècle,
l’enseignement ésotérique d’Ammonios Saccas fut à l’origine d’une unification
des sagesses orientales et des philosophies grecques fondée sur la tri-unité
universelle. Deux disciples de cette école ont eu une influence historique dans
la pensée européenne. Origène intégra la
tri-unité dans la théologie de la nouvelle religion chrétienne, Elle conduisit
à la définition de la trinité du premier concile de Nicée. Plotin qui n’était
pas chrétien, fonda l’école
néoplatonicienne romaine. Ses écrits rassemblés par Porphyre et réunis sous le
nom d’Ennéade décrivent le sens des trois hypostases qui forment la trilogie
néoplatonicienne proprement dite. La trilogie des hypostases
(Résumé suivant la traduction française commentée des Ennéades par M.-N. Bouillet) Par le terme hypostase, Plotin signifiait trois
principes fondamentaux et indissociables d'existence universelle sous-jacents
aux aspects variables manifestés et perceptibles par les sens. Ils sont
traduits par les termes Un, Intellect et Âme. Les désignations
actuelles traduisent mal le sens symbolique large que les philosophies antiques
accordaient à ces termes. Trois principes
d’existence ou hypostases cosmiques
· Le premier principe appelé le Un: ( ἕν = un) signifie unité simple,
absolue, infinie. · Le deuxième principe appelé Intellect: (νοῦς = noûs), signifie les principes premiers dans le sens
des idées ((εἶδος = eidos)
ou formes de Platon, qui ne sont pas des
concepts rationnels mais des symboles, modèles transcendants d’existence dont
les phénomènes perceptibles ou intelligible sont des exemples. · Le troisième principe: (ψυχὴ = psyché) l'Âme
universelle ou âme du monde dont proviennent toutes les âmes particulières. Le troisième
principe, en latin anima (féminin), signifie le principe transcendant d’animation
des êtres et phénomènes et non pas la conscience ou âme individuelle au sens
chrétien qui est exprimé en latin par le terme animus (masculin). En effet, le sens
premier du terme grec psyché comme celui
de sa traduction latine anima est l’air, le souffle. Il s’agit donc du principe
d’animation des êtres et de mouvement des phénomènes. Les Ennéades
expliquent en outre deux degrés de l’âme: la puissance (potentialité)
principale, ou Âme céleste, et la puissance inférieure, l'âme naturelle et
génératrice d’êtres individuels. Celle-ci conduit à la nature de l’âme humaine
qui est un exemple individuel du modèle de la trilogie cosmique Trois facultés de l’âme humaine
Les trois principes
d’existence se manifestent dans l’âme humaine par trois facultés ou formes de
connaissance L'Intelligence,
(νοῦς = noùs), intuitive, contemplation de l’être conscient. L'Âme raisonnable, active. La raison discursive dont les objets sont les pensées, le
raisonnement, l’imagination, l’opinion, la volonté, la mémoire. L'Âme irraisonnable, végétative. Sensibilité extérieure, dont les objets sont les
sensations, les émotions, les sentiments, le plaisir et la douleur. Plotin dit que
la faculté sensitive ne s’occupe que des choses extérieures. Quant à
l’intelligence intuitive, son rôle est la contemplation de ce qui nous
transcende. Ce qui est vraiment nôtre, c’est l’âme raisonnable qui comprend la
mémoire, les opinions, les sentiments et a volonté, car les impressions
sensorielles sont extérieures et les intuitions ou imaginations sont supérieurs
à nous. L'âme possède en
outre la Raison discursive (ôὸ ëïãéæόìåíïí): celle-ci juge les représentations
sensibles, les combine et les divise; elle considère aussi sous forme d'images
les conceptions qui lui viennent de l'intelligence, et opère sur ces images
comme sur les images fournies par la sensation ; … Elle a ainsi la
compréhension des formes qu'elle reçoit des sens et de l'intelligence. Il s’agit manifestement d’une
interprétation des trois niveaux de la caverne de Platon qui décrivent les
niveaux de la connaissance. L’intelligence intuitive contemple la lumière, la
raison discursive établit les relations intelligibles entre Idées ou Formes
intelligibles et les sens observent les apparences, les ombres mouvantes des
Formes. Postérité
En Europe
orientale, sous l’influence de la langue et philosophie grecques et de la
religion orthodoxe, la logique platonicienne trinitaire et du tiers inclus
ainsi que la hiérarchie, décrite suivant Origène par la trilogie
Esprit-Âme-Corps continuèrent à former
la pensée de l’Europe orientale. En Europe
occidentale et latine, L’Enéade de Plotin et la trinité définie par le concile
de Nicée influencèrent la théologie d’Augustin d’Hippone. Mais son passé
manichéen marquait encore sa conception
dualiste de l’éthique, du péché originel et de la rédemption par la foi. La
théologie romaine, sous pression de Charlemagne adopta le dogme de
consubstantialité du Père et du Fils, qui détruisit la hiérarchie de la
trilogie néoplatoniicienne. Le filioque
contribua à la discorde entre les églises d’Orient et d’Occident qui aboutit au
schisme. L’Eglise de Rome finit par se rallier au dualisme vrai/faux de la
logique aristotélicienne, qui se poursuivit dans la pensée scientifique
moderne. |